Sauvageot7

Notes du cours AS/FR 3130 6.0: Sémantique et lexicologie du français / French Semantics and Lexicology

Notes sur Aurélien Sauvageot, «L’expression du nombre» (72-81)

  • Résumé: Le -s final s’étant amuï devant consonne et devant pause (grands livres, grands), l’auteur affirme que l’expression du pluriel est devenue peu sûre en français parlé (à la différence du français écrit où elle est clairement marquée par les signes visuels -s et -x. On essaie d’y remédier par la liaison en [z] audible, mais ce procédé n’est efficace que devant les mots commençant par une voyelle. Ce qui plus est, le français populaire fait souvent l’économie du [z] de liaison, notamment quand il ne sert pas à signaler la pluralité (mais enfin, pas encore, viens ici, venez ici).
  • L’auteur déplore cette situation (ambiguïté ou insuffisance du contraste sg. ~ pl.). Il se demande comment la langue française s’arrangera à l’avenir pour exprimer le concept de pluralité. En guise de conclusion, il monte sur ses grands chevaux culturels: «… on est en droit de se demander comment il se peut qu’une langue de civilisation comme la nôtre, chargée d’accomplir au cours de l’histoire tant de missions importantes, devenue le moyen d’expression d’un État puissant et d’une civilisation dont le rayonnement reste toujours grand, a pu se dessaisir au cours des temps de procédés simples qui lui permettaient de distinguer le nombre sans difficulté» (80).

Critique:

  • Est-ce vraiment un problème, l’expression du nombre en français? Est-ce que les francophones sont incapables de différencier le singulier du pluriel en langue parlée, lorsqu’ils y tiennent? Grosso modo, la liaison en -t- est le signe du singulier, celle en -z- est la marque du pluriel. Pour le verbe, l’opposition singulier ~ pluriel est normalement indiquée, non pas par les désinences, mais par le pronom sujet obligatoire: je:nous (on), tu:vous, on:ça. Lorsqu’’il y a ambiguïté (il, elle sg. vs. ils, elles pl., vous sg. vs. vous pl.), on a les moyens nécessaires pour contourner le problème. Lesquels?
  • Devant les substantifs à initiale vocalique, on entend régulièrement prononcer le [z] de liaison (mes/les/des/tes/ces/nos/vos/leurs amis). Et chez les substantifs à initiale consonantique, là où il n’y a pas de [z] audible, la voyelle du déterminant indique la pluralité avec une clarté parfaite (mes/les/des/tes/ces/ nos/vos livres). Le seul cas qui pourrait faire problème, j’ai sorti LEUR(S) valise(s). Comment pourrait-on au besoin contourner ce problème?
  • Dans le cas de la négation, p. ex., je n’ai pas de livres (sg. ou pl.?), il n’y a généralement aucune ambiguïté, pour la simple raison que la quantité nulle est l’absence totale de l’idée de nombre. Si vous n’en avez pas, de livres, vous aurez sûrement de la difficulté à les compter!
  • Reste à savoir si, dans les exemples cités par S. comme des cas d’ambiguïté réelle, on dispose des moyens de remédier au problème. En voici quelques-uns. Pouvez-vous trouver moyen de marquer le contraste sg. ~ pl.? Est-ce essentiel de marquer la différence dans tous les exemples?

1) elle danse ~ elles dansent
2) Ouvriers, paysans, soldats rivalisent d’ardeur.
3) Il s’est tiré d’affaire sans blessure(s).
4) Jean Chrétien: Je m’adresse au(x) peuples canadien(s).
5) Ils honorent leur(s) parent(s).
6) Comment sait-on si on a affaire(s) au singulier ou au pluriel?
7) Nous, on a fermé boutique(s).
8) Une suite d’événement(s), une paire de poulet(s), un choeur de chanteur(s), un ensemble de danseur(s), une gang de jeunes voyou(s), une bande de jeune(s) personne(s), un couple de marié(s).

Comment expliqueriez-vous les cas de liaison suivant et comment peut-on savoir si on a affaire au singulier ou au pluriel:
1) Babette s’en va-t-en guerre. Va-t-en!
2) Je suis-t-un homme, tu es-t-un homme, il est-un homme.
3) Quatre-z-enfants. Cinq-z-enfants.
4) des changements importants (sans -z- de liaison)
5) La consonne finale de mot manque à l’oral quand une autre consonne suit de près, p. ex. cin(q) livres, si(x) livres, se(pt) livres, hui(t) livres, neu(f) livres, di(x) livres. Comment expliquer qu’on la rétablit dans sept livres  (en FS) et souvent, en FQ, dans cinq livres, six livres, huit livres et dix livres.

Conclusion: Selon moi, Sauvageot exagère volontairement le problème de l’expression du nombre. Le français parlé a des moyens suffisants pour bien marquer l’opposition singulier ~ pluriel.

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