Sauvageot4

Notes du cours AS/FR 3130 6.0: Sémantique et lexicologie du français / French Semantics and Lexicology

Notes sur Aurélien Sauvageot, «La distinction des parties du discours» (45-52)

Résumé:

  1. D’abord, l’auteur rejette la répartition traditionnelle des parties du discours en neuf catégories, selon leur signification profonde, selon une définition de nature sémantique: article, substantif, adjectif, pronom, verbe, adverbe, préposition, conjonction, interjection. P. ex., le verbe est un mot qui exprime une action, le substantif désigne une chose, etc.
  2. Selon lui, la réalité de la langue française ne correspond pas à ces classifications traditionnelles. Pour S., le sens et la fonction d’un mot sont déterminés surtout par le contexte linguistique (= co-texte). Soit le mot [paR]: sa part (substantif), il part (v.), par (prép.), quelque part (adv.). Il ajoute que la distinction substantif ~ adjectif est particulièrement ténue, puisque les termes changent facilement de catégorie grammaticale, p. ex., les élections présidentielles (adj.) ~ les présidentielles (sbs.); les compagnies multinationales (adj.) ~ les multinationales (sbs.); c’est un comédien (n.) ~ il est passablement comédien (adj.)
  3. D’ailleurs, la morphologie (= la forme du mot) ne peut pas servir de critère ou de guide sûr, puisque substantif et adjectif ont souvent la même forme ou une forme très rapprochée l’un de l’autre, p. ex., elle est curieuse (adj.): elle est vendeuse (n.), plaider non coupable! (adv.): le coupable (n.), un homme coupable (adj.), une robe rouge (adj.), je prends la rouge (n.). La même généralité (= la forme du mot n’est pas un critère de classement fiable) s’applique à d’autres catégories dont la forme (sonore) est la même ou de même type, p. ex., l’enfant sage (adj.): l’enfant rage (v.), des eaux vives (adj.): Vive le Québec libre! (v.); un travail dur (adj.): il travaille dur (adv.), un travail qui dure (v.). Dans certains contextes, ce qui a la forme d’un substantif peut être un verbe au point de vue de sa fonction, p. ex., Attention! Au secours! Repos! Silence! Ta gueule! Feu! 
  4. En fin de parcours, Sauvageot propose une répartition grammaticale tripartite, très simplifiée:
    1. les noms (avec subdivision en substantifs et adjectifs, c.-à-d. les choses, les concepts et leurs descripteurs)
    2. les verbes sous toutes leurs formes, même si on peut les sous-catégoriser en verbes à sens plein et verbes à fonctions (= tous les verbes dits «auxiliaires»: être, avoir, aller, faire, dire, vouloir, savoir, devoir, pouvoir, etc.) 
    3. les mots-outils, qui ont une fonction surtout grammaticale (tous les déterminants du nom, tels les articles définis, indéfinis et partitifs, les démonstratifs et les possessifs), tous les déterminants du verbe tels les pronoms sujets et objets, toutes les particules rectives (prépositions qui expriment des circonstances de lieu, de temps, d’espace, de manière, etc.) et tous les éléments discursifs (les connecteurs et les conjonctions) qui relient les différents membres d’une phrase complexe, ou qui relient les phrases les unes aux autres pour donner de la cohérence au discours.

Commentaires:

  1. Il est vrai que la fonction grammaticale du mot est déterminée par son contexte linguistique immédiat et par la syntaxe globale de la phrase. Il est également vrai que la fonction d’un mot est déterminée en partie par sa morphologie (p. ex., les mots en -tion, -age ne sont que des substantifs) et en partie par sa catégorie sémantique abstraite (p. ex., tous les mots désignant les choses et les concepts abstraits sont nécessairement des substantifs). Il serait plus juste de conclure que plusieurs dimensions contribuent à la définition des parties du discours, notamment la sémantique, la morphologie et la syntaxe. Autrement dit, la classe grammaticale est définie à la fois par sa signification, sa forme, son contexte linguistique immédiat et la structure globale de la phrase.
  2. En réalité, l’auteur se contente de remplacer un classement traditionnel par un autre classement (assorti de subdivisions et sous-catégories). Il aurait peut-être mieux fait de classer les parties du discours comme suit:
    1. Mots à sens plein (noms et adjectifs, verbes et adverbes), c.-à-d. les substantifs et leurs descripteurs, les verbes et leurs éléments auxiliaires;
    2. Mots à fonction surtout grammaticale (les déterminants du nom, les déterminants du verbe, les prépositions et les conjonctions.
    3. Enfin, reconnaissons que les mots à sens plein changent facilement de catégorie grammaticale (p. ex., un homme fort (adj.) ~ il travaille fort (adv.), multinationale (adj. ou substantif) alors que les mots à fonction grammaticale sont moins aptes à subir un changement de classe.

Exercices:
Situez les mots suivants dans au moins deux catégories grammaticales différentes, avec appui contextuel approprié: Feu, fou, accusé, savon(s), travail(le), vers, livre, ennemi.

Réflexion:
Dans une langue où les membres de chaque catégorie grammaticale sont clairement marqués par la morphologie, la syntaxe a peu de travail à faire et l’ordre des mots est relativement souple et libre. Par contre, dans les langues relativement pauvres en morphologie dérivationnelle et inflexionnelle (comme l’anglais et le français), la syntaxe assume plus d’importance. Dans la plupart des langues du monde, la morphologie et la syntaxe se partagent le travail de structuration des énoncés. Pour cette raison, les linguistes on tendance à parler de «morphosyntaxe», terme qui relie habilement la morphologie à la syntaxe.

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