Notes du cours AS/FR 3130 6.0 Sémantique et lexicologie françaises / French Semantics and Lexicology
Notes sur Henriette Walter, «Le sens des mots» (280-299).
- L’analyse du sens: Les définitions de dictionnaires offrent de brèves descriptions plutôt que des analyses approfondies. Dans une telle description, il est important de saisir l’esentiel des traits distinctifs dusens, les traits caractéristiques.
Exemple: Quelle est la différence entre une botte et une chaussure?
Réponse possible: Une botte recouvre une partie de la jambe, une chaussure non.
- 75 mots pour la chaussure: Ici, Walter aborde l’analyse des mots désignant la chaussure en distinguant les traits communs (partagés) et les traits différenciateurs. Ensuite, elle souligne l’abondance des traits de sens (à comparer avec le petit nombre des traits distinctifs en phonologie, par exemple). Par conséquent, il est difficile — mais non impossible — de schématiser les traits de sens sous forme de tableaux. À supposer qu’on puisse faire cet exercice pour les 75 mots désignant la chaussure, il y aurait tout de même une grande abondance de traits distinctifs (= différenciateurs) et beaucoup de cases vides (représentant les traits de sens redondants).
- Quel sens derrière les mots? Les usagers et les dictionnaires s’accordent assez rarement sur le sens à donner aux mots. Il se présente toujours des nuances ou encore de vraies différences d’interprétation. Dans ces conditions, on comprend facilement qu’un même mot puisse changer de sens, tout comme il peut changer de forme avec le passage du temps. Ce changement de sens se produit par petits glissements (extensions ou restrictions de sens), parfois par «ruptures» de sens. Exemples d’extensions de sens: canard, arriver, rivière, franchise; restrictions de sens: Lat. trahere «tirer» > Fr. traire (une vache, une chèvre), Lat. ponere «poser, mettre» > Fr. pondre (un oeuf); ruptures de sens: grève (berge de la Seine > cessation de travail) et oeillet (petit oeil > nom d’une fleur).
- Les sens «un peu» oubliés: Le sens de certains mots a peu évolué depuis le latin; on saisit sans problème la filiation de sens dans barba > barbe, *bove > boeuf, aqua > eau. Dans d’autres cas, l’évolution phonétique a fini par cacher le rapport sémantique entre le terme de la langue-mère et celui de la langue-fille. Si l’on peut encore identifier le sens «un, 1» dans unifier, qui penserait à deux dans diviser, disséquer, à trois dans trancher, à quatre dans écarter, écarteler, à cinq dans esquinter, à six dans sieste, à sept dans semaine, à huit dans octobre, à neuf dans novembre, à dix dans décimer, décupler? Et qui, parmi nous, savait que le mot assassin provient de l’arabe haschischin «tueur, meurtrier qui se donne du courage en fumant du haschisch»? Danstous ces cas, on ne voit pas tout de suite sans analyse le lien sémantique ou formel qui relie le terme d’origine au mot actuel.
- Pourquoi favoriser 4, 22, 31 ou 400? Le sens de certaines locutions ne peut se comprendre qu’à travers la culture et l’histoire. Ainsi, on fait de l’étymologie (étude historique du lexique) dans le but de retrouver le sens des mots en partant de leur forme et de leurs sens actuels. Plusieurs exemples sont fournis.
- Les mots et le monde: Le rapport entre le sens d’un mot et son contexte historico-culturel peut se révéler à travers l’analyse serrée de termes qui ont pour origine un nom propre ou un nom géographique. Exemple: la poubelle (d’après Eugène Poubelle, préfet de la Seine qui, à la fin du 19e siècle, imposa aux Parisiens de mettre leurs ordures dans des boîtes, désormais baptisées «poubelles»; limoger «envoyer un officier de l’armée à Limoges, donc le remercier de ses superbes services en l’écartant sur le plan militaire, administratif et/ou géographique, en le mettant définitivement «hors de combat». Note personnelle: J’ai un ami, limousin d’origine, parisien d’adoption, qui déteste retourner à Limoges (ville de tous les âges, sauf le 21e siècle).
1) Exercice: Citez un autre exemple du même genre, que vous aurez trouvé dans ce texte et proposez-en un petit commentaire explicatif.
2) Corbillard, mayonnaise, cravate et cie et Des mots venus des quatre coins de la Terre: Qu’est-ce qu’on apprend sur l’origine des mots en examinant les cartes, pp. 292-295?
3) Pourquoi dinde et colchique? Qu’est-ce que l’auteure nous apprend sur l’histoire culturelle du mot dinde?
4) Le cheminement du sens: Ici, Walter aborde certains mécanismes qui participent aux changements de sens. Que dit-elle sur l’évolution historique du mot bureau?
5) Trouvez un autre exemple pour illustrer les catégories suivantes.
- la litote (on dit le contraire ce qu’on veut signifier): Va, je ne te hais point! Tu es vraiment gentil! (sens ironique)
- l’oxymoron (contradiction sémantique): cette obscure clarté, un hommes intelligent, des larmes de joie
- la métaphore: un lion, une tigresse, un cochon, une cochonne, mon chou, mon loup (en parlant de personnes)
- la métonymie: prendre un verre, porter un castor, une bonne bouteillle, un pot (on prend plutôt ce qui est dans le verre, le pot), une orange (la couleur désigne le fruit de cette couleur), des jaunes «briseurs de grève»
- la catachrèse: un pavé en bois, un frigidaire Kenmore, un verre en plastique, saupoudrer de sucre (littéralement: saler de sucre)
- la synecdoque: tout le bureau s’est mis en grève (c.-à-d. les employés); Queen’s Park a tout décidé (= les législateurs de la province, sinon Mike Harris lui-même), l’Université York s’est étonnée d’apprendre la nouvelle
- L’invention individuelle et la langue de tous: On dit que les deux domaines privilégiés de la créativité sémantique, ce sont la littérature et la langue de la publicité. Walter cite le mot quintessence comme exemple de la créativité de Rabelais, célèbre écrivain du 16e siècle, connu pour la richesse, vitalité et dynamisme de son vocabulaire.
6) Connaissez-vous une autre innovation sémantique ou lexicale dans le domaine de la publicité (écrite ou médiatique) ou dans celui de la littérature? Dans la langue de tous les jours?