Jacques Leclerc, chapitre 11, «Les formes verbales»
– À préparer: pp. 402-3: Questions 12, 13, 16, 17, 18, Application 5, 6, 7
1 La classification des verbes en français
Dans le tableau 11.1, il s’agit d’identifier le radical du verbe (= sa base lexicale), à l’oral, et les 6 ou 7 morphèmes liés qui peuvent s’y ajouter pour produire les formes conjuguées.
1.1 Le radical des verbes
Il existe quatre classes de verbes français, selon le nombre de formes que le radical présente au présent de l’indicatif. La seule conjugaison vraiment vivante en français est celle en -er, dans laquelle se forment la vaste majorité de verbes nouveaux (surfer, cliquer, jogger, cruiser, informatiser, hospitaliser, vaporiser, gazéifier, etc.)
1.2 Les terminaisons verbales et les infixes
À la liste des quatre morphèmes qui représentent les terminaisons verbales du présent de l’indicatif, on pourrait ajouter deux infixes:
/j/ qui marque certaines formes de l’imparfait et du conditionnel
/R/ qui marque toutes les formes du futur simple et du conditionnel
– Catégorie I: les verbes à un seul radical (les membres de la 1re conjugaison et la vaste majorité des autres verbes français)
– Catégorie II: les verbes dont le radical prend deux formes différentes. Au pluriel du présent de l’indicatif, le radical se termine en une consonne audible. Au singulier, par contre, cette consonne est absente toutes les formes orales. Pourtant, elle revient dans la plupart des autres formes du verbe où (imparfait, futur, conditionnel, participes présent et passé, etc.). Normalement, on considère la forme longue comme la forme de base; la forme courte en est dérivée par suppression de la consonne terminale.
– Catégorie III: les verbes dont le radical prend deux formes différentes. Dans la catégorie III, la voyelle du radical est différente dans les 1re et 2e personnes du pluriel. Normalement, on considère le radical de la 3e personne comme la forme de base, celle qui paraît également dans a) les formes du singulier du présent de l’indicatif et 2) dans le présent du subjonctif (personnes 1, 2, 3 et 6). En d’autres mots, dans la catégorie III, toute forme monosyllabique du verbe est identique à celle de la 3e personne du pluriel. En ce qui concerne les formes verbales à deux ou plusieurs syllabes (imparfait, futur, conditionnel, participes présent et passé), elles présentent en principe la même forme du radical que les 1re et 2e personnes du pluriel du présent de l’indicatif.
– Catégorie IV: les verbes dont le radicaux prend trois formes différentes. Dans cette catégorie, toutes les formes du pluriel se terminent par une consonne audible, consonne qui disparaît des trois formes du singulier (comparez avec la catégorie II, on on constate le même phénomène. En plus, la voyelle des 1re et 2e personnes du pluriel est différente de la voyelle qu’on trouve dans les autres formes du radical. La 3e personne du pluriel fournit la base au présent du subjonctif. En ce qui concerne les formes verbales à deux ou plusieurs syllabes (imparfait, futur, conditionnel, participes présent et passé), ils présentent en principe la même forme du radical que les 1re et 2e personnes du pluriel du présent de l’indicatif.
– Catégorie V (!!): Enfin, notons que les verbes auxiliaires les plus courants échappent à la classification ci-dessus, à savoir, être, avoir, aller, dire, faire, pouvoir, savoir, vouloir, valoir et falloir. Dans la pratique, cela ne présente aucun problème aux francophones, dans la mesure où ces verbes reviennent constamment dans l’usage quotidien, ce qui explique en quelque sorte comment les francophones peuvent tolérer leur «irrégularité».
Comme on le voit clairement dans le tableau 11.8, il y a seulement quatre terminaisons verbales à l’oral. Quant aux infixes, on peut les réduire à deux: /j/ marque certaines formes de l’imparfait et du conditionnel tandis que /R/ marque toutes les formes du futur simple et du conditionnel. En plus, le morphème /R/ présente plusieurs variantes (= allomorphes) dont je vous présenterai le détail en classe.
1.3 Le passage du système oral à l’écrit. Faisons l’économie de ce verset.
1.4 Le subjonctif présent
En général, le présent du subjonctif a pour base lexicale la même forme que la 3e personne du pluriel du présent de l’indicatif, forme qui se termine le plus souvent par une consonne ou une semi-consonne audible. En plus, les formes subjonctives des 1re et 2e personnes du pluriel présentent l’infixe /j/.
Une petite minorité de verbes, les plus fréquents, présente une forme distinctive du radical au présent du subjonctif, notamment: être (sois, soit), avoir (aie, ait), aller (aille), dire (dise), faire (fasse), pouvoir (puisse), savoir (sache), vouloir (veuille), valoir (vaille) et falloir (faille). Le radical de la majorité de cette minorité présente une consonne ou semi-consonne terminale audible, ce qui est la marque orale du mode subjonctif pour cette série de verbes auxiliaires.
2 La personne grammaticale
Dans les langues où les formes du verbe portent déjà une terminaison orale qui marque clairement la personne et le nombre, l’emploi du pronom sujet est facultatif, p. ex., l’espagnol, l’italien, le portugais et le roumain. Dans ces quatre langues, l’emploi du pronom sujet sert avant tout à ajouter de la mise en relief.
Par contre, les langues où les formes du verbe ne portent pas de terminaison orale marquant la personne et le nombre sans ambiguïté utilisent des pronoms personnels obligatoires, p. ex., le français, l’anglais et le néerlandais. On parle, bien entendu, de la langue orale (faite pour l’oreille), non pas de la langue écrite (faite pour l’oeil).
La plupart des langues indo-européennes distinguent trois personnes seulement. En situation de communication, le genre et le sese des personnes je et tu est saute aux yeux, donc pas besoin d’une distinction formelle de type m. ~ f. ~ neutre. Ce n’est qu’à la 3e personne du singulier qu’on remarque normalement ce type de distinctions de genre. Français: il/elle/on/ça, Italien: lei/ella, Anglais:he/she/it, Allemand: er/sie/es, Russe: on/ono/ona. Certaines langues — mais pas toutes — généralisent cette distinction m. ~ f. à la 3e personne du pluriel (fr: ils/elles). En général, les langues indo-européennes ne marquent pas les distinctions de genre au pluriel (fr. nous, vous, angl. we, you, they)
Certaines langues présentent une distinction du type nous inclusif ~ nous exclusif, par exemple le micmac, langue amérindienne parlée en Acadie. Le français ne formalise pas cette possibilité, pourtant réelle…
– La serveuse: «Qu’est-ce qui nous intéresse sur le menu?» (nous inclusif)
– Le docteur: «Comment allons-nous aujourd’hui?» (nous inclusif)
– La reine Élisabeth d’Angleterre: «Nous avons passé une année horrible!» (nous exclusif)
À la 3e personne seulement, la langue cree distingue les personnes proches et les personnes éloignées (p. 140). En créole haïtien,dans toutes les personnes du présent de l’indicatif, le pronom personnel est obligatoire, le temps présent est indiqué par la particule invariable ape et le sens du verbe est porté par le participe passé qui suit. L’exemple cité en p. 141 est l’equivalent de:
moi (toi/lui/nous/vous/eux) après manger «moi (toi/lui/nous/vous/eux) en train de manger»
3 Le temps verbal
Essentiellement, il y en a trois: présent, passé et futur. Le plus souvent le passé et le futur portent une marque indiquant le passé ou l’avenir (une terminaison, une flexion, un morphème liée ou un pronom sujet personnel), tandis que le présent est le temps verbal «non marqué» ou neutre, dans la majorité des langues du monde.
4 Le mode
Il y en a cinq en français:
– le mode indicatif (assertion d’un fait, affirmation plutôt neutre)
– le mode subjonctif (doute, incertitude, négation, hypothèse ou possibilité théorique)
– le mode impératif (mode de l’ordre et du commandement: ta volonté est sujette à la mienne)
– le mode infinitif (mode d’expression en dehors de toute circonstance de temps ou de lieu, p. ex., «Vouloir c’est pouvoir», «Voir c’est croire!» «Être ou ne pas être, voilà la question!»
– le mode participial (mode de continuité, de durée, ou de progression, p. ex., FS je parle en mangeant, FQ je suis après manger
5 La voix et l’aspect
Il y a trois VOIX en français
– la voix active: Je vous raconterai une blague (il y a un sujet ou un acteur actif et un objet passif)
– la voix passive: «Une blague sera racontée par moi» «Un chien sera mordu par le chat» (l’objet passif occupe la place normale du sujet et le sujet actif {réel et profond} prend la place habituelle de l’objet)
– la voix pronominale: «Je me raconte une blague», «Je me rase», Je m’amuse (l’action accompli par le sujet porte sur le sujet lui-même; en d’autres mots, le sujet et l’objet sont la même personne» d’autres exemples seraient: «Tu t’amuses follement; il se lève le matin».
– En français, la voix pronominale remplace facilement la voix passive, p. ex., le café se boit chaud, le steack se mange saignant, la porte s’ouvre, le français se parle du bout des lèvres, le travail se fait aisément, etc.
L’ASPECT décrit la manière dont l’activité verbale ou le processus se déroule. En russe, il y a généralement deux verbes pour chaque activité ou processus verbal, l’un est d’aspect imperfectif (indiquant une activité non achevée ou toujours en cours, envisagée dans sa continuité), l’autre est perfectif (désignant une activité accomplie ou achevée, envisagée comme complète).
Mal reconnu pour le français, la dimension aspectuelle est pourtant réelle. En français, les marques aspectuelles ne sont pas formellement encodées dans la grammaire. Il s’agit plutôt d’indices lexicaux de l’aspect (rehaussés en mauve).
– aspect duratif: je suis/étais en train de vous parler; je suis après laver la vaisselle (CDN); I am/was speaking to you
– aspect habituel: j’ai l’habitude de fumer; je fume constamment, je fume comme une cheminée
– aspect inchoatif: qui indique le début d’une activité: Bon ben, je commence à vous parler…
– aspect perfectif: qui indique la fin d’une activité: Bon ben, j’ai fini de vous parler…
– aspect imperfectif: indique que l’activité est toujours en cours et est inachevée, non accomplie: Je passe un certain temps à vous parler de temps, de mode, de voix et d’aspect… Je perds mon temps à étudier les maths…
– aspect ponctuel: indique que l’activité est nettement définie et encadrée dans le temps: «Je lui ai parlé seulement à ce moment-là», «Je l’ai connu en mars 1940»
– aspect immédiateté: Je viens de vous parler, Je vais vous parler, Je suis (étais) sur le point de vous parler
– aspect indéterminé: normalement, c’est l’absence de toute indice aspectuel qui confère l’aspect indéterminé ou neutre: «Je parle français». On pourrait même affirmer que l’aspect indéterminé, c’est l’absence totale d’aspect!