Notes du cours AS/FR 2100: Initiation à la description linguistique du français / Introduction to the Linguistic Study of French
Semaine du 22 février:
Chapitre 15: L’analyse syntaxique
- À préparer: Questions 2abc, 3 et 4abc
- Cette semaine, vous aurez un petit quiz «surprise» de cinq minutes, basé sur le chapitre 14, les notes de cours et les leçons professées. Ce quiz pourra éventuellement améliorer votre note mais — rassurez-vous bien — il ne pourra pas l’empirer.
- Pendant la semaine de lecture, je me suis occupé à terminer un article intitulé «Power, Worth and Family Values in The Knight of the Two Swords» (légende peu connue du roi Arthur et ses courageux chevaliers datant du 13e siècle). Ensuite, pour me détendre, je suis allé à deux encans sans rien acheter (quelle discipline!) et je me suis beaucoup promené dans les villages de Thornton et Ballantrae sous un beau soleil de février.
- Pour avancer d’un cran mes connaissances technologiques, j’ai participé à des séminaires sur Powerpoint et le scanning optique. Un jour, quand je saurai tout tout tout, je vous ferai une belle présentation en Powerpoint…
Verset 1: La syntaxe. Objectifs de l’analyse syntaxique:
- décrire la structure des groupes de mots et leurs combinaisons possibles
- définir la structure des phrases et les combinaisons de sous-groupes qui permettent de former des phrases
- identifier les différentes interprétations sémantiques de phrases qui ont superficiellement la même forme mais deux ou plusieurs significations possibles. Exemple: Elle regarde la bouche ouverte.
- rejeter les structures jugées impossibles, p. ex., *grand le porte la garde ou inacceptables *Je m’ai promené le long de la rivière; le gars que je sors avec!
- La syntaxe est constituée d’un ensemble de règles abstraites, qui résident dans le cerveau humain. La description de ces règles permet de préciser les phrases qui sont grammaticales et acceptables (celles qui respectent les règles de syntaxe) et les phrases qui sont agrammaticales et inacceptables (celles qui transgressent les règles). Vous aurez compris que la syntaxe est bien dans la tradition grammaticale du: «dites ceci… ne dites pas cela!»
- Les règles syntaxiques sont en nombre fini, mais elles permettent de produire un nombre infini d’énoncés (= de phrases). Voilà un des traits caractéristiques de la grammaire générative, popularisée par le linguiste Noam Chomsky.
Verset 2: Syntaxe parlée et syntaxe écrite.
En général, la théorie syntaxique part de phrases «bien formées» de la langue écrite, même si la syntaxe de la langue parlée a elle aussi beaucoup d’intérêt, à cause de sa spontanéité et sa créativité, p. ex., «Bon ben, le métro, euh, tu sais, hein, selon moi, ya…, ben ya pas que ça qui va vite, n’est-ce pas, à Paris…? Certains pensent qu’une phrase comme celle-ci est «inacceptable.»
Verset 3: L’analyse des groupes constituants de la phrase (= les syntagmes).
Il s’agit d’identifier les différents types de syntagmes (les ensembles ayant une certaine cohérence sémantique et grammaticale). Les principaux syntagmes sont le groupe nominal (=GN), p. ex., ma petite amie, le groupe verbal (=GV), ex. Vas-y!, le groupe adjectival (= GAdj) ex., fier d’être Canadien et le groupe prépositionnel (=GP) p. ex., à huit heures et demie.
Verset 4: Le groupe nominal.
Le noyau ou la tête du groupe nominal est: un nom (chat), un nom propre (Montréal, Jean-Michel) ou un pronom (je, moi, celui-ci).
Verset 5: Les déterminants du groupe nominal (= GN).
En général, les noms communs sont précédés d’un déterminant: un chat, le chat, mes chats, nos chats, ces chats etc. Dans le cas des noms propres, on dit que le Dét est effacé ou absent, ou bien qu’il se réalise au degré zéro, p. ex., Jean-Michel et Catherine se sont mariés. Pour mieux préciser, il est possible d’ajouter un déterminant qui particularise la personne: LE Jean-Michel que tu as rencontré l’année dernière s’est marié avec Catherine. Il y a aussi le «déterminant de notoriété», p. ex., la Lewinsky.
- Le déterminant du N est normalement exprimé. Lorsqu’il est absent, il y toujours un effet spécial, p. ex., Tremblement de terre à Mexico (= style journalistique), Soldes incroyables (= langue publicitaire), Enfants, je vous hais! (= apostrophe), Labourage et pâturages sont les deux mamelles de la France (abstraction moralisatrice), Pierre qui roule n’amasse pas mousse! (proverbe).
Verset 6: Les expansions du groupe nominal.
Expansion adjectivale: une jolie petite chaise rouge et bleue. Expansion prépositionnelle: la chaise à ma gauche, la chaise du Pape. Expansion relative: la chaise que j’adore, la chaise dont je te parle, la chaise à laquelle je fais allusion. Toutes ces expansions ont une valeur descriptive, donc une valeur adjectivale.
- Dans le cas des adjectifs numériques, quantitatifs et indéfinis, le Dét est normalement effacé (= s’exprime au degré zéro). Exemples: toute chaise, trois chaises, quelques chaises, différentes chaises, certaines chaises, plusieurs chaises, diverses chaises, n’importe quelle chaise. Quantité nulle: aucune chaise, pas de chaises.
Verset 7: Le groupe verbal (= GV) a toujours un verbe comme noyau ou tête.
Verset 8: Les expansions du groupe verbal.
Exemples:
Mange ta soupe! Expansion par un GN ( Q. mange quoi? R. ta soupe, complément d’objet direct)
Donne le livre à ta soeur. Expansion par un GP (À qui? À ta soeur, complément d’objet indirect)
Il travaille ferme. Expansion par un adverbe (il travaille comment? R. ferme)
Mange ce que je te donne! (Expansion par une proposition relative: Q. mange quoi? R. ce que je te donne)
Nous sommes fiers d’être Canadiens (Expansion par un GAdj, les GAdj commençant par un adjectif)
Verset 9: La phrase globale. Retenez bien les quatre catégories de phrase que voici:
Déclarative: J’adore la bière blanche de Chambly.
Interrogative: Est-ce que j’adore la bière blanche de Chambly?
Impérative: Adore la bière blanche de Chambly (ou je te tue)!
Exclamative: Bon Dieu que j’adore la bière blanche de Chambly!
Ces catégories s’excluent mutuellement. La preuve: une phrase ne peut être déclarative et interrogative en même temps.
Verset 10: Les règles de réécriture.
- Les phrases (= P) sont produites par un ensemble de règles et sous-règles, comme p. ex.
P –> GN + GV (= une phrase est composée d’un groupe nominal suivi d’un groupe verbal). Exemple: Les petits enfants (GN) + ont bien chanté (GV)
GN –> Dét + Adj + N (les + petits + enfants) (= le groupe nominal est composé d’un déterminant suivi d’un adjectif suivi d’un nom)
GV –> Aux + Adv + V (ont + bien + chanté) (= le groupe verbal est composé d’un auxiliaire + un adverbe mélioratif + un verbe au ptc. passé)
- Dans certains cas, un constituant de P peut être absent on non exprimé, mais on considère qu’il est présent du point de vue de la structure grammaticale profonde. P. ex. Bois ta bière! P –> GN + GV, mais… où est le GN sujet de la phrase?
- Réponse: Normalement, il s’exprime au degré zéro dans une phrase impérative. La preuve, c’est que si on dit Tu bois ta bière! avec une intonation impérative, p. ex., Tu bois ta bière pis ferme ta gueule!, on comprendra le sens «impératif»)
- Ces règles syntaxiques font partie de la grammaire générative, popularisée par le linguiste Noam Chomsky à MIT (le Waterloo des États-Unis).
Verset 11: La phrase et ses expansions.
Ici vous avez un arbre ou une arborescence ou encore un schéma arborescente (les auteurs disent indicateur syntagmatique) qui permet de visualiser la structure profonde de la phrase. Notez bien (p. 133 en bas et 134 en haut) que le GV contient un GN (la nature, les paysages sauvages) qui fonctionne comme complément d’objet direct).
Verset 12 et 13: Le groupe prépositionnel.
Notez que les GP peuvent avoir différentes fonctions. Par exemple:
- Marie donne des livres à Pauline. (objet indirect = à qui?)
- Richard téléphone au garagiste. (objet indirect = à qui?)
- L’autocar arrive à six heures. (complément adverbial, circonstance de temps, quand, à quelle heure?)
- La fenêtre de la cuisine est ouverte (expansion du GN simple la fenêtre)
- Françoise est heureuse de son achat (expansion du GAdj, qui nuance ou explique son bonheur)
Verset 14:
p. 135. Arborescence permettant de visualiser le rapport entre le GP à son frère et le reste du GV auquel il appartient. Fonction du GP: complément d’objet indirect d’un verbe transitif.
Verset 15:
p. 135 Arborescence permettant de visualiser le rapport entre le GP de ses vacances et le reste du GV auquel il appartient. Fonction du GP: complément (indirect) d’un verbe intransitif.
Verset 16:
p. 136 Arborescence permettant de visualiser le rapport entre le GP dans la cuisine et la P toute entière. Fonction du GP: complément circonstanciel de lieu. Ce genre de GP est relativement mobile. La preuve, c’est qu’on peut très bien dire: Dans la cuisine, François mange le gâteau ou encore: François, dans la cuisine, mange le gâteau.
Verset 17:
p. 137 Notez que le GP de notre voisin est rattaché directement au GN qui fonctionne comme sujet de la phrase.
Verset 18:
p. 137 Notez que le GP de son achat est rattaché directement au GAdj et que le GAdj heureux de son achat est rattaché au GV qui est rattaché à son tour à P.
Verset 19:
p. 137 Au lieu de lire ces formules combien sèches, faisons la liste de règles qui permettent de produire la phrase: Mon cousin est heureux de son achat.
P –> GN + GV (Mon cousin + est heureux de son achat)
GN –> Dét + N (mon + cousin)
GV –> V + GAdj (est + heureux de son achat)
GAdj –> Adj + GP (heureux + de son achat)
GP –> Prép + GN (de + son achat)
GN –> Dét + N (son + achat)
Verset 20: Type A. Ambiguïté résultant de l’effacement de la préposition.
Soit la paire de phrases suivante (pp. 138-9):
- Montand chante une chanson.
- Montand chante le soir.
La première arborescence révèle que une chanson est un GN qui a la fonction d’un complément d’objet direct et qui fait partie du GV chante une chanson.
Q. Montand chante quoi? R. une chanson.
- Tandis que la seconde arborescence montre clairement que le soir fait partie d’un GP dont la préposition a été effacée. Ce GP exprime une circonstance de temps et pour cette raison, il ne fait pas partie du GV; il est relié directement à P. Dans la même veine, on pourrait dire: Montand chante l’après midi/le matin/la nuit ou encore Montand chante PENDANT l’après midi/le matin/la nuit, ou encore: Le soir, Montand chante.
- Mais si on avait écrit: Montand chante «Le soir», on aurait conclu que la première analyse était la bonne, parce que «Le soir» serait alors le titre d’une chanson (= un GN objet direct faisant partie du GV).
- Chaque interprétation a une structure syntaxique différente.
Verset 21: Ambiguïté B. Quel est le sujet? Quel est le verbe?
- Soit la paire de phrases suivante, superficiellement identique (pp. 139):
- La belle ferme le voile.
- La belle ferme le voile.
- Dans la première interprétation, le GN sujet de la phrase est: La belle [femme] et le GV est ferme le voile. Ainsi on comprend: «The beauty closes her veil.»
- Dans la deuxième interprétation, le GN sujet de la phrase est: La belle ferme et le GV est le voile. Ainsi on comprend: «The beautiful farm hides it (= the village?) from view.» On voit clairement la différence de structures syntaxiques dans les deux structures arborescentes.
Verset 22: Ambiguïté C. Le GP est-il lié au GN (complément d’objet direct) ou plutôt à P (circonstance de lieu).
- Le voyageur regarde le chauffeur de l’autocar. «The passenger looks at the bus driver.»
- Dans la première interprétation, le chauffeur de l’autocar est un GN composé de GN + GP. Le chauffeur de l’autocar est l’objet direct du verbe regarde.
- Le voyageur regarde le chauffeur de l’autocar. «The passenger looks at the driver from inside the bus.» Ou encore: «From inside the bus, the passenger looks at the bus driver.»
- Dans la seconde interprétation, de l’autocar est un GP rattaché directement à P. Cette deuxième interprétation aurait très bien pu s’exprimer par la phrase: De l’autocar, le voyageur regarde le chauffeur. De l’autocar exprime une circonstance de lieu. Le voyageur est dans l’autocar et il regarde le chauffeur qui est à l’extérieur (en train de changer un pneu, ou de fumer une sèche?).
- Deux interprétations = deux structures syntaxiques
Verset 23: Ambiguïté D. GN objet direct ou GP circonstance de lieu?
- Le bûcheron sort du bois. «The logger takes out (some) wood.»
- Le bûcheron sort du bois. «The logger comes out of the woods.»
Dans a), du bois est un GN ayant la fonction d’objet direct. Q. Il sort quoi? R. Du bois.
Dans b), du bois est un GP rattaché directement à P et qui exprime une circonstance de lieu. Q. D’où sort le bûcheron? R. Du bois.
Verset 24: Ambiguïté E. GP objet indirect ou GP exprimant une circonstance de lieu?
- Charles vend du pétrole aux États-Unis. «Charles sells oil to the United States.» Dans cette interprétation, aux États-Unis est un GP ayant la fonction d’un objet indirect.
- Charles vend du pétrole aux États-Unis. «Charles sells oil in the United States.» Dans cette interprétation, aux États-Unis est un GP exprimant une circonstance de lieu. Charles may be in the U.S., but selling oil to Canadians!
Ne pas oublier: Deux interprétations sémantiques = deux structures syntaxiques.