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Jacques Leclerc, Chapitre 9, «Principes de phonologie du français»

– Ici, il faut saisir la notion, élémentaire, que certaines différences phonétiques comptent alors que d’autres ne comptent pas. Celles qui comptent (= qui ont un rôle à jouer dans l’acte de communication) sont dites  significatives, distinctives, différenciatives, ou pertinentes…, parce qu’elles ont le pouvoir de changer le sens d’un énoncé. Les unités de son qui comptent –  et qui ont le pouvoir de changer le sens d’un mot ou d’un message – s’appellent des phonèmes: il y en a 37 en français. Ce sont les éléments de base du système phonologique, de la structure signifiante; ce sont les «briques sonores» dont on construit les mots.
– Dans son glossaire, Leclerc définit le phonème comme suit: «… unité sonore minimale produite par les organes de la parole, dotée d’une valeur distinctive et différenciative, déterminée par les rapports entre les autres sons: p. ex., [b] et [p] sont des phonèmes distincts en français … [comme le prouve la paire minimale bon ~ pont].»
– Par contre, les unités de son qui ne comptent pas – et qui ne changent en rien le sens ou la signification du mot ou du message – s’appelle des allophones (= des variantes combinatoires). Ce sont des détails, des variations phonétiques, des nuances de prononciation qui existent en nombre infini dans la réalité quotidienne de la parole, mais qui ne change en rien le sens d’un énoncé.
– Dans son glossaire, Leclerc définit le phonème comme suit: «variante phonétique d’un phonème: p. ex., moi prononcé [mwa] ou[mwe]».
– Alors que le phonème représente un idéal ou une abstraction, une sorte de cible «idéale, pure et parfaite» en langue, l’allophone est concret, tangible et tient de la parole.
– Une analyse qui tient compte de l’aspect signifiant ou sémantique du son s’appelle une étude phonologique; en phonologie, on parle surtout de phonèmes «unités distinctives ou différenciatives de son, unités déterminées par leurs rapports avec d’autres unités de la même langue». Par contre, une analyse qui s’intéresse au détails de la prononciation sans tenir compte de ce qui est pertinent et distinctif pour la communication s’appelle une étude phonétique; on parle alors d’allophones, de variantes phonétiques, de variantes combinatoires.

Une transcription phonétique figure entre crochets [pat], alors qu’une transcription phonologique se présente entre traits obliques /pat/. Jusqu’à présent, nous avons surtout fait de la transcription phonologique, puisqu’on a fermé l’oeil devant tous les allophones, à toutes les variantes phonétiques possibles. Seule exception à cette généralité: les cas d’assimilation et d’harmonisation vocalique, où il a été question d’allophones qui ne changeaient en rien le sens des énoncés.
– On identifie les phonèmes d’une langue par le test de commutation (= substitution), test qui permet d’identifier des paires minimaleset ainsi de dégager les différences qui sont vraiment distinctives. Dans la série [si, sy, su, se, so, sa], par exemple, la commutation des voyelles produit des changments de sens, alors que dans la série [si, si:, sij, si:j] le sens reste inchangé, malgré les petites différences de prononciation.
– Dans le premier cas, on a affaire à différents phonèmes (vocaliques), dans le second cas, on a plutôt quatre allophones du phonème/i/, de simples variantes qui n’affectent en rien le sens du mot. Une paire minimale est donc une paire de mots qui ne différe que d’un seul phonème, différence qui sert à changer le sens. Exemples: poux vs. bout /pu ~ bu/,  bout vs. coup /bu ~ ku/,  coup vs. loup /ku ~ lu/. Ces paires minimales servent à prouver que /p, b, k/ et /l/ sont bel et bien des phonèmes (= unités distinctives de son) du français. D’autres paires minimales vous seront présentées en classe.

N. B. Dans nos tests, on vous demande souvent de trouver une paire minimale qui prouve que /x/ et /y/ sont  bel et bien des phonèmes du français. Pour les identifier, vous feriez mieux de vous limiter aux mots monosyllabiques. Il serait difficile sinon impossible d’en trouver à partir d’un mot polysyllabique comme contravention, par exemple.

Deux petits principes: Si, dans le même environnement phonétique, nous pouvons commuter deux sons pour en modifier la signification, ceux ci constituent deux phonèmes différents/pil ~ pal, bo ~ so/, donc /i/ et /a/ sont des phonèmes du français;  /b/ et /s/ le sont également.
– Si, par contre, dans le même environnement phonétique, nous pouvons commuter deux sons sans modifier la signification de l’énoncé, nous avons plutôt affaire à des allophones, à des variantes phonétiques d’un seul et même phonème: [vit ~ vIt, tut ~ tUt, mwa ~ mwe, wi ~ we, ty di ~ tsy dzi].
– Parmi les allophones, on distingue les variantes libres, comme le r dental, le r uvulaire, le r vélaire et le r rétroflexe (anglais) — qui ont une dimension géographique ou sociale — et les variantes conditionnées. On a affaire à une variante conditionnée quand un phonème influence la prononciation du phonème voisin (ou proche), comme dans tous les cas d’assimilation (progressive et régressive): plaire,peuple, titre, plusieurs, observer, anecdote, chef de gare, médecin, fêter, têtu, etc. En connaissez-vous d’autres?

2 La recherche des traits distinctifs
Si les phonèmes sont en quelque sorte les atomes d’une langue, les traits distinctifs sont un peu comme des neutrons, électrons ou protons, c.-à-d., la sous-matière constitutive des atomes.
– Ces traits phonétiques (articulatoires et/ou acoustiques) se présentent sous forme d’oppositions binaires. On peut les dégager à l’aide de questions simples comme les suivantes, qui permettent d’identifier les principales classes de phonèmes du français (voir le tableau 9.1 en page 99):

– Pour les grandes catégories de traits distinctifs…
1) Avons-nous affaire à une consonne ou une voyelle? [vocalique ou consonantique?]
2) Avons-nous affaire à une consonne ou une semi-consonne? [consonantique ou semi-consonantique?]

– Pour les consonnes…
1) La consonne est-elle orale ou nasale? [l’air phonatoire échappe-t-il de la cavité buccale ou nasale?]
2) La consonne est-elle sonore ou sourde? [vibration ou non des cordes vocales?]
3) La consonne est elle occlusive ou constrictive? [barrage total ou partiel?]
4) Une constrictive est-elle fricative ou plutôt latérale/vibrante? [Latérale ou vibrante?]

– Pour les voyelles…
1) La voyelle est-elle orale ou nasale? [comment l’air phonatoire échappe-t-il?]
2) La voyelle est-elle ouverte ou fermée? Mi-ouverte ou mi-fermée?
3) La voyelle est-elle arrondie ou écartée? [quelle est la forme des lèvres?]
4) La voyelle est-elle antérieure ou postérieure? [quelle est la position de la langue?]

Exercices à préparer:
p. 395, questions 25, 26
p. 397, questions 5, 6, 7, 8
p. 398, question 10, 11
et d’autres si le temps nous le permet…

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