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Jacques Leclerc, chapitre 7, «Le système phonétique du français»

Entreé en matière 
C’est grâce aux sons que nous transmettons l’essentiel de nos informations. Le système phonétique du français repose sur 37 sons: 18 consonnes et 3 semi-consonnes (= les os et la musculature phonétique), 16 voyelles (= la chair sonore, métaphoriquement parlant).

1.1 Voyelle ou consonne?
Quelle est la différence entre une voyelle et une consonne? Pour une voyelle, l’air s’échappe librement dans le canal buccal ou nasal (ou dans les deux à la fois) sans rencontrer d’obstacle. Pour une consonne, par contre, l’air rencontre un obstacle qui crée un barrage (= une fermeture, un blocage) qui peut être total (on parle alors d’une consonne occlusive) ou partiel (dans ce cas, on parle d’une consonne constrictive, le passage de l’air étant relativement réduit).
Quant aux semi-consonnes, elles tiennent à la fois des consonnes et des voyelles. Elles sont consonantiques en ce sens qu’elles peuvent ouvrir ou fermer une syllabe (hier, ail, paille), mais elles sont consonantiques en ce sens qu’elles rassemblent à une voyelle [i, y, u] prononcée rapidement (p. ex., dans pied, bien, nuit, lui, ouest, oui).

1.2 Sourde ou sonore?
S’il y a vibration des cordes vocales, on a affaire à une articulation sonore ou voisée. Sans vibrations, donc sans résonance, l’articulation est dite sourde ou non voisée. Dans le cas, exceptionnel, du chuchotement, toutes les articulations sont sourdes.
Sont normalement sonores:
— toutes les voyelles et semi-voyelles (= semi-consonnes)
— toutes les consonnes nasales + [l, r, R]
— la moitié seulement des consonnes orales (voir les couples ou paires de consonnes citées par l’auteur)

1.3 Orale ou nasale?
Quelle différence y a-t-il entre une articulation orale et une articulation nasale? Pour une articulation orale, la luette se colle contre la paroi pharyngale et l’air sort entièrement par la cavité buccale. Pour une articulation nasale, la luette se décolle de la paroi pharyngale et au moins une partie de l’air sort par la cavité nasale. On a affaire alors à une consonne ou voyelle dite nasale. En français, il y en a quatre de chaque sorte.

2 Les articulations consonantiques 
2.1 Le point d’articulation
Certains linguistes parlent plutôt du lieu ou de la zone d’articulation. Le point d’articulation est le point de contact ou de rapprochement entre un articulateur (partie mobile) et une partie fixe de l’appareil phonatoire. Pour le français, on distingue habituellement les points suivants: labial, dental, alvéolaire, palatal, vélaire et uvulaire. Les principaux articulateurs (= organes de l’articulation) sont: les lèvres, la langue et la luette (= l’uvule).

2.2 Le mode (= la manière) d’articulation.
Il y en a deux: occlusive et constrictive. Les occlusives comportent toujours une fermeture complète (= une occlusion, un blocage) du passage de l’air phonatoire. Cette fermeture est normalement très rapide ou momentanée, dans le cas de [p, b, t, d, k, g]. Les constrictives, par contre, comportent plutôt une fermeture partielle et leur articulation possède une certaine durée que les occlusives n’ont pas.
La constriction ou la fermeture partielle s’accompagnee d’une turbulence de l’air quand il passe le barrage partiel. C’est pour cette raison que certains linguistes parlent plutôt de fricatives (= bruit de friction).

Sont considérés comme constrictives:
— les trois semi-consonnes
— les fricatives [f, v, s, z, R] plus les palatales orthographiées ch, sch, ge, gi, ju, etc.
— la latérale [l] et la vibrante [r]

2.3 Le système consonantique
Ici, nous apprendrons à classer les consonnes et les semi-consonnes selon leur point et mode d’articulation. À remarquer que les semi-consonnes ressemblent à des voyelles prononcées rapidement, p. ex.,la lettre i dans tiens, bien, et les -lle dans paille, fille représentent la semi-consonne dite palatale [j], la lettre u dans tuer, lui, puis, suis, donne la semi-consonne dite labiopalatale, h à l’envers, les lettres ou dans ouest, oui, et le oi dans oiseau donnent la semi-consonne dite labiovélaire [w].

4 Les articulations vocaliques
Dans la production une voyelle, l’air ne rencontre aucun obstacle lors de son passage. Pour classer ou décrire les voyelles, on dispose de quatre critères distinctifs:
1) la nasalité (voyelle orale ou nasale?)
2) la zone d’articulation (position de la langue: antérieure ou postérieure, avancée ou reculée?)
3) la forme des lèvres (arrondies ou écartées?)
4) le degré d’ouverture (de la bouche; plutôt ouverte ou fermée?)

4.1 Orale ou nasale? 
Si la luette est levée et collée contre la paroi pharyngale, tout l’air de phonation doir passer par la cavité buccale. Alors, on produit des voyelles orales (il y en a douze en français).
Si, par contre, la luette est abaissée et décollée de la paroi pharyngale, l’air passe à la fois par la cavité buccale et par la cavité nasale. Dans ce cas, on produit une voyelle nasale (il y en a quatre en français).

4.2 Antérieure ou postérieure?
Une voyelle est dite antérieure lorsque la partie antérieure de la langue se masse vers l’avant de la cavité buccale (il y a neuf voyelles antérieures en français, 7 orales et 2 nasales)
Une voyelle est postérieure lorsque le dos de la langue se masse vers l’arrière de la cavité buccale (il y six voyelles postérieures en français, 4 orales et 2 nasales).
Il y a une seule voyelle appelée centrale en français, le shwa (connu aussi sous les noms de «e muet», «e féminin» et «e caduc». Le shwa est faiblement accentué et tombe dans le discours naturel et rapide. Dans un discours public, dans des circonstances formelles, on conserve un maximum de shwas. Pour produire le shwa, la langue assume une position centrale de repos plus ou moins neutre».

4.3 Arrondie ou écartée? 
Certaines voyelles sont prononcées avec arrondissement des lèvres, d’autres sans. Les voyelles non arrondies s’appellent également des voyelles écartées (parce que les lèvres sont plutôt écartées). Parmi les voyelles orales, on compte sept arrondies et seulement quatre écartées. En ce qui concerne les voyelles nasales, il y a trois arrondies et une seule écartée.

4.4 Ouvertes ou fermées?
Selon le degré d’ouverture de la bouche (ou plutôt de la mâchoire), on produit des voyelles plutôt ouvertes ou fermées. Pour le français, on distingue quatre degrés d’aperture (= d’ouverture): voyelles fermées, mi-fermées, mi-ouvertes et ouvertes.

4.5 Sourdes ou sonores? 
Toutes les voyelles françaises sont sonores, sauf cas de chuchotement.

4.6 Le système vocalique 
L’auteur classe les voyelles françaises selon leurs traits pertinents. Nous, on va plutôt les représenter sous forme d’un tableau schématique.

5 Les procédés articulatoires 
Sous cette rubrique, l’auteur traite de la durée, l’accentuation et l’intonation.

5.1 La durée 
Sous l’accent, certaines voyelles peuvent avoir plus de durée que d’autres. Comparez les paires suivantes ou la durée vocalique sert à marquer une différence de signification:
renne ~ reine 
mettre ~ maître 
nous mourons ~ nous mourrons 
lettre ~ l’être 
Anne ~ âne 
Bette ~ bête 
tète ~ tête 
jeune ~ jeûne 
Le nombre de cas de ce genre est assez limité. La durée est parfois indiquée par la présence écrite d’un accent circonflexe. Ces voyelles sont dites «longues par nature».
D’autres voyelles peuvent s’allonger si elles sont accentuées et suivies d’une consonne ou semi-consonne constrictive et sonore, dite consonne allongeante. Rappelez-vous que l’accent français se porte normalement sur la dernière syllabe d’un groupe de mots, donc sur la dernière syllabe avant une pause.
Examinez les mots suivants et notez bien que l’allongement sous l’accent ne change en rien le sens du mot: pire, vire, chose, rose, louve, fève, cage, rage, fille, aille. Ces voyelles sont allongées par la consonne constrictive sonore qui les suit.
Finalement, une consonne nasale sera prononcée longue si elle est accentuée et suivie d’une consonne audible dans le même mot:tante, vente, grande, monte, fonte, vaincre, sainte. Rappelez-vous que l’accent français se porte normalement sur la dernière syllabe d’un groupe de mots, donc nécessairement sur la dernière syllabe avant une pause.

5.2 L’accentuation
L’accent français a trois dimensions: la durée, la hauteur et l’intensité. Pour cette raison, il a une certaine musicalité.
L’accent français n’a pas de place fixe par rapport au mot individuel. Plutôt, l’accent frappe la dernière syllabe d’un groupe de mots (= groupe rythmique, groupe syntaxique, tout ce qui se prononce sans interruption). Ainsi, l’accent frappe la syllabe juste avant la pause, comme le montre les exemples suivants ou le rouge indique la syllabe accentuée:
Ma-dame!
Madame Ray-mond!
Madame Raymond Trem-blay!
Madame Raymond Tremblay est arri-vée.
L’accent français ne change jamais le sens d’un mot. Il n’a donc aucune valeur distinctive, différenciative ou phonologique. À la différence de l’anglais: per-mit, tran-sport (noms) ~ per-mit, trans-port (verbes) et de l’italien:
capitano (nom), capitano (verbe «ils arrivent par hasard») et capita «ils commandèrent» forme du passato remoto à la 3e personne du pluriel.
Tout de même, le français dispose d’un accent d’insistance qui permet de mettre en évidence un mot sur lequel on veut insister. Quand on veut exprimer une émotion plus forte que la normale, cet accent  peut s’appeler l’accent affectif.
Les exemples en p. 78 montrent que l’accent d’insistance frappe la première syllabe qui commencent par une consonne: formidable, magnifique, épouvantable, é’norme. Évidemment, les mots comportant une syllabe unique porte l’accent d’instance quelque soit leur structure syllabique: Ce n’est pas un lettre, c’est une lettre. Ce n’est pas 6 francs, c’est 16 francs!

5.3 L’intonation 
Difficile de parler de l’intonation qui peut être très nuancée, qui peut aussi varier sur le plan individuel, social et régional. Tout de même, on peut signaler quatre patrons intonatifs ayant chacun une fonction linguistique:
Intonation tombante: Tu viens. (simple affirmation) 
Intonation montante: Tu viens? (interrogation) 
Intonation montante et prolongée: Tu viens! (exclamation) 
Intonation plate mais prolongée: (Tu) viens! (impératif)

5.4 L’assimilation 
L’assimilation consonantique touchent deux (ou plusieurs) consonnes en contact. Si la première des consonnes influence la prononciation de la seconde, on parle d’assimilation progressive, p. ex. quatre, titre, votre, capitalisme, communisme.
Si la seconde consonne influence la prèmiere, l’assimilation est dite régressive (ou rétrogressive), p. ex., médecin, cheval, observer, je passe devant, chef de gare, anecdote.
Typiquement, l’assimilation progressive affecte la seconde consonne en début de mot (plaire, truite, strapontin) ou la seconde consonne en fin de mot (votre, socialisme, mettre).
 L’harmonie vocalique (= l’harmonisation vocalique) est une forme d’assimilation qui touche les voyelles. Normalement, il s’agit d’une voyelle d’ouverture moyenne, qui se ferme ou qui s’ouvre (très légèrement) sous l’influence d’une voyelle accentuée dans la syllabe suivante.
Tendance majeure: si la voyelle accentuée est plutôt fermée, la voyelle de la syllabe suivante aura tendance à se fermer elle aussi. Tendance mineure: si la voyelle accentuée est plutôt ouverte, la voyelle de la syllabe suivante aura plutôt tendance à s’ouvrir. Exemples de fermeture vocalique: fêter, têtu, vêtu, aider. Exemples d’ouverture vocalique: répétait, déblayait. D’autres exemples à venir en classe.

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