Jacques Leclerc, chapitre 4, «Les signes non linguistiques et le brouillage des codes»
Signes linguistiques, auditifs, visuels, olfactifs, tactiles et gustatifs
Les signes linguistiques ne sont pas les seuls éléments signifiants. Il y a aussi des signes qui correspondent à nos cinq sens (auditifs = ce qu’on entend, visuels = ce qu’on voit, tactiles = ce qu’on peut toucher, olfactifs = ce qu’on peut sentir, et gustatifs = ce qu’on peut goûter, de la cocaïne avant de l’acheter, par exemple). Tous ces signes non linguistiques font partie de la communication non verbale.
Les signes non linguistiques les plus importants sont sans doute de nature auditive et visuelle.
Comme signes auditifs, on peut citer la sirène d’ambulance, de police, des pompiers, ou la sirène d’alerte pendant une guerre) qui donnent différentes sortes d’avertissements.
Il y a aussi des signes visuels (feux de circulation, panneaux de réglementation routière (généralement blanc sur un fond rouge), panneaux de simple avertissement (généralement noir sur un fond jaune), panneaux d’informations (destinations et directions, généralement blanc sur vert), panneaux de commercialisation sur les autoroute (généralement blanc sur un fond bleu, comme pour les hôpitaux, organismes à but non lucratif), panneaux genre «guide touristique» (blanc sur un fond brun).
La forme et la couleur de ces panneaux peuvent communiquer à elles seules un message (l’octogone rouge, le triangle jaune inverti, les flèches, la lettre H sur un fond bleu…, ou la lettre P sur un fond vert). Les gestes sont aussi des signes visuels, d’où on a tiré une mini-science: la gestuelle.
N’oublions pas les signes tactiles (une secousse à l’arrière de sa voiture indique qu’on vient de se faire emboutir, une secousse latérale à haute vitesse sur l’autoroute pourrait indiquer un coup de vent), les signes olfactifs (la fumée dans la cuisine indique qu’on a laissé sa casserole trop longtemps dans le four ou dans le micro-ondes). Pouvez-vous en citer un autre exemple?
Tous les signes non linguistiques ont un point en commun: ils n’utilisent pas les sons d’une langue et ils ne peuvent pas exprimer tous les messages possibles avec toute la nuance ou subtilité dont une langue est capable.
On peut diviser les signes non linguistiques en quatre catégories: indices, signaux, icônes et symboles.
1 Les indices: des signes non intentionnels, involontaires, naturels
Les indices existent dans la nature ou dans la culture et ne forment pas un système organisé ou cohérent. Les indices sont des phénomènes naturels ou culturels, involontaires ou non intentionnels, qui nous font connaître indirectement un fait ou deviner son existence. Dites ce que pourraient révéler les indices suivants:
les symptômes (on éternue, on tousse, on bâille, etc.)
les traces (de pieds, de pattes, de pneus, un trou dans la pelouse, etc.)
les marques (sur un meuble)
les odeurs (chez soi, au foyer)
les sons (dans la nuit chez soi, ou bien dans la forêt)
les gestes
l’élévation de la voix
un geste nerveux
la toux
une prononciation peu soignée, voire incohérente
un article de vêtement (le fait de le porter ou non)
la coiffure et sa couleur
Un indice est donc un fait involontaire, naturel ou culturel, qui peut se charger de significations, mais dont la fonction première n’est pas de signifier. Ainsi, les indices donnent souvent lieu à une interprétation: le vêtement, la fumée, les odeurs, etc., peuvent être interprétés différemment selon les individus, les situations ou les cultures.
2 Les systèmes non linguistiques
À la différence des indices, les icônes, les signaux et les symboles sont organisés et structurés; ces derniers font partie d’un système structuré. Contrairement à l’indice, les icônes, les signaux et les symboles sont intentionnels; ce sont des produits de la volonté humaine de communiquer.
2.1 L’icône est un signe visuel ou une image quelconque se référant à un sens (= signifié) dans un rapport analogique (= imitatif), un rapport de ressemblance visuelle. Un icône remplace l’objet ou la réalité qu’il évoque comme s’il était cet objet même. Exemples: photos, dessins, images, illustrations, tableaux, diagrammes, organigrammes, cartes (routières ou géographiques).
Un icône est chargé d’informations; il faudrait beaucoup de mots pour expliquer tout ce qu’on trouve sur la carte du Canada, par exemple. Mais la carte n’est sûrement pas la même chose que le Canada lui-même; il le représente graphiquement, visuellement…, et très imparfaitement. La cartographie ne raconte pas tout: Si une bonne carte présente des tracés représentant les réseaux routiers, les chemins de fers, les agglomérations, les forêts, qu’est-ce qu’elle passe sous silence, par exemple? Réponse: Les canaux, la composition raciale de la population, les conditions météorologiques, les hameaux jugés sans importance, l’histoire de la colonisation du pays, son activité économique, son passé ou son avenir.
2.2 Le signal
Le signal contient une information simple, univoque, immédiatement compréhensible et non ambigu. Le signal est volontaire, conventionnel et explicite, produit dans une intention précise. On n’a qu’à penser aux feux de circulation, aux panneaux de signalisation routière.
Les panneaux de circulation forment un ensemble cohérent de signaux produits dans une intention déterminée: la réglementation de la circulation et la sécurité routière. Il faut que le destinataire reconnaisse immédiatement le signal, qu’il puisse le décoder sans confusion; autrement le signal ne serait qu’un indice dont le sens serait relativement vague.
L’icône peut faire partie du signal, comme dans le cas les dessins schématisés affichés à la porte des toilettes pour messieurs et pour mesdames. En l’absence de la porte, ces images ne seraient que des icônes, évoquant l’homme ou la femme. Même remarque pour les feux de circulation à l’intention des piétons: icône d’une main qui signifie «défense de traverser», icône d’un bonhomme qui traverse la rue.
Dans le cas des signaux indiquant un danger, la redondance est de mise. Pour l’alerte au feu par exemple: alarme auditive ou sonnerie assourdissante, feux clignotants, camions de couleur rouge et jaune, sirènes criantes, pompiers en uniforme.
On agit de la même façon dans la communication verbale quand on craint d’être mal compris: on se répète (avec ou sans variation) et…, à la parole on joint le geste, la mimique, le ton, des mots écrits au tableau, un schéma, une illustration, une présentation en PowerPoint, etc.
Exercice 1: Interprétez les signaux en p. 36, Figure 4.1
Exercice 2: Quel signal ou signaux permet(tent) d’indiquer:
qu’on veut le silence
qu’on ne peut pas entendre ce que dit l’autre personne
qu’on est absolument d’accord
qu’on n’est pas d’accord
l’interdiction de fumer
interdiction de virer à gauche
attacher votre ceinture de sécurité
un sens unique
une interdiction quelconque (panneaux de circulation, p. ex.)
un passage de chevreuils, de cerfs
une traversée d’écoliers
un autobus d’écoliers
le danger
avertissement ou conseil de prudence
des travaux routiers en cours
cédez
stop-arrêt
que c’est l’heure de la messe dans le village
qu’il est midi dans une ville qu’on arrête donc de travailler
qu’on s’est rendu chez MacDo
qu’on s’est rendu à un hôpital
qu’on se trouve devant l’édifice d’Hydro-Québec
2.3 Le symbole
Volontaire lui aussi, le symbole renvoie à un seul signifié (= une seule unité de sens). Le symbole est la représentation concrète (visuelle) d’une abstraction (le plus souvent, elle représente une valeur morale ou religieuse, par exemple) ou d’une qualité (la justice, les premiers soins, l’assiduïté au travail). Elle est dans un rapport analogique (c.-à-d, imitatif) et conventionnel avec la réalité (tous les membres d’un même groupe social ou culturel acceptent et reconnaissent son sens). Par exemple, le geste de faire un V formé par l’index et le majeur indique la victoire, le succès ou le simple contentement. On pense sans difficulté à d’autres gestes de la main ou du bras. Certaines cultures sont plus riches en gestes que d’autres.
Pour vous, que signifie une image de la colombe? La balance? Le castor? Le lion? Le chien? Le chat? Le boeuf? Le cochon? Le serpent? La croix rouge. Le crucifix? L’hymne national? Le drapeau américain «Stars and Stripes». Le grand pouce en l’air. Les couleurs rouge, noire, jaune, bleue, blanche? Connaissez-vous d’autres symboles courants?
3. Bruits et brouillage des codes
Pour que la communication se fasse, le message doit être encodé (par l’émetteur-destinateur) et décodé (par le récepteur-destinataire). Donc deux opérations essentielles: l’encodage et le décodage.
3.1 Les bruits
Qui dit bruits dit perturbations dans la transmission d’un message. Pour qu’il y ait une communication efficace, il faut d’abord que l’encodeur et le décodeur partagent le même code, le même système de communication. P. ex., si l’une de ces deux personnes parle français et l’autre russe, il se peut qu’ils soient obligés de recourir à un troisième code pour communiquer entre eux, l’anglais par exemple.
Si une personne ne connaît que le français standard qu’il a appris dans des livres de grammaire ou de littérature, elle aura peut-être du mal à communiquer avec une personne s’exprimant en québécois populaire. Comment pourrait-on résoudre ce problème?
En théorie de communication, toute gêne, erreur ou lacune qui empêche la transmission normale d’un message s’appelle un bruit.
Faites une petite liste de différentes types de bruits qui pourraient gêner la communication.
1) L’interlocuteur parle d’une voix trop douce
2)
3)
3.2 Le brouillage des codes
Dans ce verset, l’auteur dit que nos références culturelles peuvent créer des brouillages de code. Citez un exemple de comment nos attitudes, nos émotions ou nos valeurs peuvent compliquer la communication. Citez un exemple de comment une différence culturelle pourrait brouiller la communication.
Même s’il faut consacrer des efforts conscients à maîtriser une langue, première ou seconde, il faut qu’un certain automatisme s’installe face au code. En quelque sorte, il faut oublier qu’on utilise un code pour que la communication puisse se faire sans accrocs.
3.3 Pour contrer le bruit
Mettons que votre message en langue parlée ne passe pas: votre interlocuteur n’y comprend rien ou bien il comprend mal ce que vous dites. Qu’allez-vous faire pour qu’il vous comprenne mieux (faites une petite liste de suggestions).
Puisque peu de messages sont rigoureusement explicites, puisque la plupart des messages sont accompagnés de bruits, le destinataire a constamment tendance à «interpréter» les messages qu’il reçoit. Est-ce qu’il vous est jamais arrivé de mal interpréter le message ou les intentions de quelqu’un? Citez un exemple tiré de votre expérience personnelle.
3.4 La langue: un code sans pareil
À la différence des animaux, qui disposent d’un certain nombre de cris ou de signes (15 cris différents chez les corbeaux, 70 chez les singes), la langue humaine, de par sa grande abstraction, de par ses possibilités de combinaison et ses règles de morphosyntaxe, permet de formuler un nombre infini de messages, accompagné d’une infinité de nuances.
Qui a assez de mémoire pour se rappeler 10,000 cris, dont chacun aurait une signification bien distincte? Et même si cela était possible, notre capacité de communication serait limitée à 10,000 messages…, toujours les mêmes! Mais grâce à une langue humaine articulée (de 30 à 40 phonèmes, de 5,000 à 10,000 mots, des mot-outils qui reviennent constamment et un ensemble de règles de morphosyntaxe), nous arrivons à transmettre un nombre infini de messages. La preuve, c’est qu’on peut toujours imagine un nouveau.
Pour comble, les langues sont en perpétuelle transformation et servent à des fins sociales, politiques ou idéologiques qui bougent sans arrêt, du moins dans les sociétés capitalistes, qui prônent le bonheur et la liberté individuelle, avec la promesse de richesses et conforts illimités.
Les sociétés social-démocratiques se trouvent en difficulté depuis l’effondrement de l’empire communiste; le mode en est aujourd’hui à la démocratie corporative, nouvelle interprétation de la démocratie avancée par le monde des affaires et la droite politique. Dans cette nouvelle vision de l’existence humaine, l’argent déloge toute autre valeur et le principe de «chacun pour soi» prévaut, du moins chez les champions du capitalisme. Bref, le socialisme a mauvaise presse, l’altruïsme aussi.
Comme remèdes à tous les maux, on nous propose d’afficher la règle d’or dans les salles de classe, de faire porter des uniformes par les élèves, de rétablir des pratiques religieuses obligatoires, de forcer les gens à faire du bénévolat (surtout les jeunes, les femmes, les pauvres, les assistés sociaux, les criminels, bref toute personne marginalisée par le système économique). La tendance est marquée de vouloir punir ceux qui refusent de se conformer au modèle de production-et-consommation-course après l’argent prôné par la droite. À part ces initiatives de type «coopération forcée», la coopération semble être valorisée uniquement dans le contexte de la compétition et la compétitivité. Par exemple, le but de la compétition économique et sportive est de vaincre son «ennemi», se montrer supérieur à ses compétiteurs, etc.
À méditer: Vous sentez-vous plus riche, plus libre, plus heureux, plus à l’aise et mieux servi aujourd’hui que de par le passé?
Questions:
1) Expliquez la différence entre un indice et un signal, un icône et un symbole.
2) Énumérez quelques obstacles à la communication (= différentes sortes de bruits).
3) La langue est nuancée et explicite mais le non-verbal laisse beaucoup à l’imagination. Vrai ou faux?
4) Êtes-vous conscient d’un changement de langue survenu au cours de votre déjà courte vie? Dans quel domaine? La prononciation? Le vocabulaire? La morphosyntaxe?
Et quelques questions de révision:
Leclerc, p. 388: Q. 23, 24, 25
Leclerc, p. 289: Application, Q. 4
Leclerc, p. 390: Application, Q. 6