Notes du cours AS/FR 3130 6.0: Sémantique et lexicologie du français / French Semantics and Lexicology
Notes sur Aurélien Sauvageot, «L’expression du temps» (89-104)
- Résumé: Dans ce chapitre, S. prétend parler du temps, alors qu’il parle en fait de trois dimensions différentes: temps, mode et aspect. Le verbe est le lieu de rencontre des ces trois paramètres.
- Pour ce qui est du temps, on en reconnaît trois au français: présent, passé et futur. Mais en fait, le présent de l’indicatif peut exprimer un concept général sans relation aucune avec le temps, p. ex., les vérités universelles en dehors de tout temps: La chaleur dilate les corps; Pierre qui roule n’amasse pas mousse.
- Le futur s’exprime très souvent, non pas par le futur, mais par le mode subjonctif, p. ex., j’ai peur qu’il parte/se fasse mal = I’m afraid he’ll (= he will) leave/hurt himself, ou bien par l’indicatif présent: je viens (ce soir), j’arrive (tout de suite), je pars (demain), ou encore par une forme spéciale de l’indicatif présent, appelée «futur analytique» ou «futur proche», je vais partir.
- Pour ce qui est du mode, on en reconnaît trois au français: indicatif, subjonctif et impératif. Mais l’impératif peut s’exprimer à travers le «futur proche», qui comporte en plus une nuance de politesse ou d’adoucissement, p. ex., Tu vas lui écrire demain; Vous allez dîner avec nous; Vous n’allez surtout pas répéter ce que je viens de vous dire! Pour comble, le subjonctif rivalise avec l’indicatif: Je veux qu’il vienne ~ je crois qu’il viendra; du moment qu’on le veuille ~ veut; bien qu’il fasse ~ fait ses devoirs et, au négatif, Je ne crois pas qu’il vienne ~ viendra.
- L’auteur dit très bien que l’emploi du subjonctif est déterminée par une notion subjective (volition, désir, incertitude, doute, négation), non pas par une règle grammaticale figée de type pédagogique (p. 98). C’était un peu la même chose au moyen âge, quand le choix entre indicatif et subjonctif était plus souple qu’il n’est aujourd’hui et déterminé surtout par le sens du réel ou de l’irréel, de la vérité ou de la fausseté (ou l’incertitude) de l’énoncé.
- Pour ce qui est de l’aspect, bien ancré dans les langues slaves, on reconnaît d’habitude l’imperfectif (désignant une action ou un état qui dure, p. ex., il faisait ses devoirs, il est/était/sera en train de faire ses devoirs, FQ il est/était après faire ses devoirs) et le perfectif (désignant une action ou un état qui est achevé ou fini, p. ex., il a fait/vu/dit. En plus, on reconnaît l’aspect habituel-répétitif qu’on associe volontiers à l’imparfait ou encore au présent (indicatif ou subjonctif): il fumait/fume comme une cheminée; il buvait trop, c’est ça qui l’a perdu, je la connaissais du temps qu’elle était jeune.
- Autres dimensions aspectuelles que l’auteur ne souligne pas: l’antériorité et la postériorité: Je viens (venais) de m’acheter une voiture (antériorité dans le présent ou le passé), Je vais (allais) m’acheter une voiture (postériorité immédiate dans le présent ou le passé).
- D’autres manifestations des paramètres antériorité ~ postériorité se voient dans la fameuse concordance des temps: Quand il eut fini de parler, il alluma une cigarette (= passé antérieur + passé simple); Quand il avait fini de parler, il a allumé unecigarette (= plus-que-parfait + passé composé); Quand il a eu fini de parler, il a allumé une cigarette (passé surcomposé + passé composé).
- Dans un contexte de narration, tout ce qui est descriptif s’exprime normalement à l’imparfait (duratif), tout ce qui est dynamique ou momentané s’exprime par le passé composé ou bien par le passé simple, p. ex., Il ÉTAIT pauvre quand je l’AI CONNU (LE CONNUS). Lui aussi, il ÉTAIT à Berlin quand j’AI FAIT (FIS) sa connaissance. Le 2 décembre 1805, Napoléon ÉCRASAIT les Russes (description), mais Le 2 décembre 1805, Napoléon ÉCRASA (A ÉCRASÉ) les Russes (étape dynamique qui avance la narration, événement présenté sous un aspect momentané plutôt que duratif).
- L’auteur termine son exposé par des commentaires sur la concordance des temps, en citant des cas où le présent du subjonctif peut remplacer l’imparfait du subjonctif: J’aurais préféré qu’il ne vînt (vienne) pas; Que vouliez-vous que je fisse (fasse)? J’aurais aimé que vous vinssiez (veniez); Il n’a pas voulu que vous partissiez (partiez). L’explication de ce phénomène est pourtant facile: la plupart des francophones ne maîtrisent pas le passé simple, dont la connaissance est nécessaire si on veut émettre un imparfait du subjonctif; en fait, ces deux temps verbaux sont morts depuis 300 ans, du moins dans l’usage naturel et quotidien de la plupart des francophones. Ce qui plus est, beaucoup de locuteurs préfèrent éviter le subjonctif dans une subordonnée, qu’ils remplacent habilement par une complétive à l’infinitif, ce qui leur évite de préciser le temps, le mode ou l’aspect: J’aurais préféré ne pas le voir venir; Que vouliez-vous nous faire faire?; Il n’a pas voulu nous laisser partir.
- Exercice: Choisissez un seul exemple du texte «L’expression du temps» et commentez (= élucider) l’emploi de la forme verbale en termes de temps, mode et/ou aspect.