Notes du cours AS/FR 3130 6.0: Sémantique et lexicologie du français / French Semantics and Lexicology
Notes sur Aurélien Sauvageot, «Le genre grammatical» (82-88)
- Résumé: L’auteur se pose la question: Est-ce que le genre grammatical rend des services utiles ou bien, au contraire, est-il une contrainte, une servitude? Ensuite, il fait le bilan du positif et du négatif pour conclure: «… la distinction du genre grammatical exige des efforts de la part du sujet parlant qui sont hors de proportion avec son rendement véritable. Le genre grammatical est pour le français un fardeau. Mais il est impossible de s’en débarrasser…». En fait, le bilan des services rendus par la distinction m.~ f. (voir p. 86) est assez mince. Elle sert principalement à marquer la cohésion entre le substantif et ses dépendants syntaxiques (= adjectifs et déterminants). Par contre, la liste de problèmes et hésitations causés par le genre est longue (voir pp. 83-85).
- Critique: On connaît très peu sur les origines du genre dans les langues indo-européennes. Certains pensent que le genre a ses origines dans la troisième personne du singulier, p. ex., il vs. elle vs. on, avec extension analogique à la troisième personne du pluriel, p. ex., ils vs. elles vs. ça (= neutre). Pourtant, beaucoup de langues indo-européennes ignorent la distinction m. ~ f. dans toutes les formes du pluriel. Là, la distinction des genres biologiques est courramment neutralisée (cf. le pluriel anglais we think, you think, they think, sans distinction de genre). Il en va de même du FS (nous pensons, vous pensez, sans marques de genre). Le FQ populaire généralise ce traitement à la 3e personne du pluriel aussi, peut-être sous l’influence de l’anglais, ou peut-être pas, p. ex., Les femmes, ILS sont jamais CONTENTS! En situation de communication, il n’est jamais nécessaire de préciser le sexe biologique des sujets parlants JE et TU (première et deuxième personnes, locuteur et interlocuteur); cela saute aux yeux.
- Dans une autre perspective, on a formulé l’hypothèse que dans les civilisation agricoles avancées (dont la société indo-européenne), il était utile de savoir le genre biologique des animaux (un coq n’est pas une poule, une vache n’est pas un boeuf ni un taureau). Par extension, on aurait appliqué des distinctions de sexe biologique à d’autres éléments de la nature qui semblaient être vivants, ou du moins être des sources de vie, p. ex., le soleil (masculin, fort, source de vie, absolument essentiel), et la lune (féminine, faible, secondaire, reflet pâle du premier).
- On peut trouver sans difficulté des exceptions qui contredisent pareille «règle»: Pourquoi un siège serait-il plus fort qu’une chaise, un singe plus fort qu’une gorille, par exemple? Et en allemand, on dit die Sonne (f.) et der Mund (m.)! Certaines langues ont le genre neutre, qui désigne toute chose qui ne participe pas à la polarité masculine ~ féminine. Chose significative, le féminin est d’habitude la forme forte ou longue (sur les plans phonétique ou morphologique) et, au strict point de vue linguistique, le masculin est la forme courte ou faible. Cf. p. ex. lourde vs. lourd et maîtresse vs. maître, speakerine vs. speaker, nounoune vs. nono (FQ).
Exercices. Commentez ou expliquez les exemples suivants:
1) Cette… euh…, ce problème est troublant.
2) Cet ami/cette amie; mon ami/mon amie, des amis/des amies
3) Un grand artiste/une grande artiste; un grand interprète/une grande interprète
4) Une ordonnance, une sentinelle, une police
5) Donnez une forme féminine aux termes suivants: professeur, chercheur, peintre, moniteur, chef, Monsieur le Sénateur, Monsieur le gouverneur-général, Monsieur le président-directeur-général
6) Qui est IL ? dans: il pleut, il vente, il fait chaud, il faut répondre, il vaut mieux ne pas trop y penser.
7) Qui est ON ? dans: on y va; on le voit bien, on aime sa petite bouteille de vin, hein?
8) Qui est ÇA? dans: Ça fait du chahut dans la salle. — Ça va bien? — Oui, ça marche comme il faut!
- Pour en savoir plus sur le genre et le nombre, consultez
- Jacques Leclerc, «Le genre et le nombre», chapitre 10 ou bien
- Pierre Léon et alii, Structure du français moderne, chapitre 11