Notes du cours AS/FR 3130 6.0 Sémantique et lexicologie du français / French Semantics and Lexicology
Notes sur Aurélien Sauvageot, Portrait du vocabulaire français, «Le vocabulaire expressif» (175-189)
Résumé:
- Chapitre qui traite du vocabulaire expressif, qu’on a l’habitude de juger naturel et transparent (= «onomatopées, mots formés par harmonie imitative, mots qui imitent les bruits de la nature, les cris, les mouvements, les jeux de lumière, etc.»). Toutefois, cette «imitation naturelle» des sons comporte sa part d’arbitraire, comme le prouvent les exemples suivants: rap-rap, couin-couin, gick-gack, gack-pack, pack-pack, quak-quak, qua-qua, quack-quack et háp-háp [cri du canard]; glouglou, glug-glug, Gluckgluck, klunk, buly-buly, koty, pul’p-pul’p, etc. [son de l’eau qui sort du goulot d’une bouteille, ou de quelqu’un qui boit vite]. Au lieu de parler d’imitation directe, S. parle de substitution (= substitution de sons et de formes imposés par la langue en question?)
- Même dans des langues étroitement apparentées par l’histoire ou la géographie, là où un terme passe facilement d’une langue à l’autre, sa prononciation et sa forme ne sont jamais tout à fait les mêmes, p. ex., coucou, cuculus, kókkux, Kuck-kuck, cuckoo, Kukker, kukuska, kakuk, käki, gégé, kuko, kuku, kïkï, kukï, këk, kukkïk, kukkuk, etc. Manifestement, l’oiseau est désigné par son cri dans bon nombre de langues.
- Selon l’auteur, voici le problème: si vraiment les mots imitatifs étaient des reproductions réussies et exactes de sons de la nature, les onomatopées ainsi obtenues seraient immédiatement compréhensibles pour tous, non seulement pour les membres d’une même collectivité linguistique, mais pour ceux qui se servent d’une autre langue. Or, deux petites expériences ont suffi pour prouver que tel n’est pas le cas (voir les pp. 179-80). En fait, les «images vocales» ne sont transparentes et n’ont souvent de signification que dans la mesure où l’on est déjà bien initié à une langue. Exemples: Il est tombé dans l’eau, plouf! He fell into the water, splash!, Wa-gwile mmesi, chum!
- Toutes les langues utilisent des mots expressifs, ce qui n’implique pas qu’elles soient primitives ou peu évoluées. Même si les mots expressifs ont leur origine dans la langue enfantine, où dans la langue familière, leur emploi a généralement une valeur stylistique ou emphatique: ils ajoutent de la vivacité à l’expression. Même si certains prétendent que le français est une langue excessivement abstraite et opaque, les mots expressifs sont là pour prouver que cette langue peut être très concrète et transparente.
- Commentez ou expliquez un ou deux des mots expressifs français qui paraissent aux pages 182-83. Est-ce qu’il y en a que vous utilisez vous-même? Pourriez-vous les commenter?
- Les mots obtenus par réduplication d’une syllabe, p. ex., pépère, mémère, papa, maman, bébé, bonbon, bobo, dodo, doudoux, doudoune, nono, nounoune, foufou, foufounes, fofolle, bonbon, myam-myam, pipi, caca (mots redoublés) ont leur origine dans la langue des enfants, même si les adultes s’en servent couramment dans des contextes où la langue familière est appropriée. En connaissez-vous d’autres que l’auteur ne cite pas?
- Les mots expressifs français sont des noms et adjectifs; ils subissent rarement une modification morphologique (= dérivation et composition). Le traitement des mots expressifs est différent dans des langues qui les intègrent dans la conjugaison formelle du verbe ou la déclinaison du nom, tels le hongrois et le finnois.
- Autre observation (p. 187): la signification des mots expressifs est parfois incertaine et peut refléter des extensions de sens. Cela est tout à fait naturel. Ainsi, le verbe mugir s’applique aussi bien au boeuf et au lion qu’à la mer, qu’à la forêt, qu’à une chute d’eau. Exercice: utilisez les mots crissement (m.) et crépitement (m.) dans des contextes différents.
- Les mots expressifs peuvent s’emprunter comme n’importe quel autre lexème, comme le prouve les exemples bang «détonation produite par un avion franchissant le mur du son», thump « bruit produit par le choc des pneumatiques d’une automobile au contact du revêtement de la chaussée. Commentez l’emprunt de teuf-teuf et bip-bip. Connaissez-vous d’autres exemples d’emprunt de mots expressifs?
- Résumons: Malgré leur rapport imitatif vis-à-vis de la nature, les mots expressifs ne sont pas moins soumis aux structures linguistiques (phonologie, morphologie, classes grammaticales) de la langue qui les utilise, ce qui explique certaines divergences observées. Malgré leur part de transparence, dans la mesure où elle font partie intégrante d’une langue, les onomatopées sont soumis aux relations sémantiques habituelles dans ces langues. En d’autres mots, chaque onomatopée a un signifiant, un (ou plusieurs) signifiés et un référent. Les mots expressifs ont donc leur part d’arbitraire, comme c’est souvent le cas des gestes physiques, que certains trouvent naturels.
- En fin de parcours, S. cite le cas du Levantin qui fait de la tête un autre geste de dénégation que celui auquel nous sommes accoutumés en Occident (le connaissez-vous?). Il cite également le cas des opérateurs de radio (et de télévision) qui doivent garder le silence et communiquer par la gestuelle (p.189).
- Chapitre qui traite surtout de mots «imitatifs», et qui passe sous silence plein d’autres termes ayant des valeurs émotives, affectives ou exclamatives, etc., comme Wow, woup(s), wouf, ouf, paf, baf, waf, ah, oh, aïe, hé, hein!, bip-bip, teuf-teuf, , Chut!, Zut, oh là là, Omigosh, merde alors, ma foi, mon Dieu, mon doux, Parbleu, Torrieu! pour ne citer que quelques-uns.