portrait-antonymie

Notes du cours AS/FR 3130 6.0 Sémantique et lexicologie du français / French Semantics and Lexicology

Notes sur Aurélien Sauvageot, Portrait du vocabulaire français, «Les mots de sens opposé» (83-89)
Résumé:
L’antonymie n’est pas l’opposition de deux termes contradictoires, mais plutôt l’opposition de termes, dont certains se contredisent absolument (vrai ~ faux, présent ~ absent, mort ~ vivant) d’autres relativement (jeune ~ vieux, beau ~ laid, jour ~ nuit, riche ~ pauvre, léger ~ lourd, bon ~ mauvais). Où s’arrête la jeunesse, où commence la vieillesse? Où est la ligne de démarcation entre la beauté et la laideur? Entre la richesse et la pauvreté? À quelle heure s’arrête le jour? Quand commence la nuit?

La contradiction des termes peut donc être absolue ou relative. L’essentiel à retenir, c’est le concept (binaire) d’opposition, de contraste, ou de contradiction. Ce qui n’empêche qu’un terme positif s’oppose à plusieurs termes de sens négatif. Ainsi, par exemple, intelligent s’oppose non seulement à stupide, mais encore à sot, niais, bête, obtus, borné, inintelligent, pas très éclairé, simple d’esprit, etc. Et sec s’oppose à humide, mouillé, trempé, etc.

Dans d’autres cas, l’antonymie reflète un processus morphologique, l’addition d’un préfixe ou même d’un morphème libre, à témoin: intelligent ~ inintelligent, abordable ~ inabordable, pesanteur ~ apesanteur, normal ~ anormal, faire ~ défaire, sain ~ malsain, aisé ~ malaisé, bien portant ~ mal portant, embrayer ~ débrayer, freiner ~ défreiner, articuler ~ désarticuler, organisé ~ désorganisé, enneiger ~ déneiger (ou encore désenneiger). Ces procédés morphologiques s’appliquent surtout quand il s’agit d’activités complexes ou techniques.

Dans les domaines non-techniques ou moins complexes, les oppositions se font plutôt par une différence de lexème: lâche ~ serré, lâche ~ brave, faible ~ fort, solide ~ liquide, dur ~ mou, frère ~ soeur, noir ~ blanc, jour ~ nuit.

En théorie, l’antonymie exprime une opposition binaire, une polarité de type: positif ~ négatif, présence ~ absence, vérité ~ fausseté, réel ~ irréel. Dans le cas de certains termes à forme négative, le terme correspondant logiquement n’est pas toujours son antonyme: infâme, déteindre, dépasser, malvenu, ou bien possède un sens tout autre: fameux, teindre, passer, bienvenu. Certains termes à préfixe négatif n’ont pas d’antonyme simple: insouciant, insolite, inouï, insatiable, infirme, indicible, ineffable, inéluctable existent, mais *solite, *ouï, *satiable, *firme, *dicible, *effable, *éluctable sont inattestés.

L’auteur termine son exposé en citant des exemples tirés d’autres langues, exemples qui nous révèlent que le concept d’opposition ou de contradiction repose sur les procédés lexicaux, morphologiques et syntaxiques dont dispose chaque langue, procédés qui peuvent varier selon la langue. En français, l’opposition (=l’antonymie) s’exprime surtout a) par une différence de lexème, ou b) par l’ajout d’un morphème (lié ou libre) à valeur négative.

Enfin, Sauvageot nous fait remarquer que le verbe ignorer a le sens négatif «ne pas savoir» en français, ce qui fait que son antonyme «positif» est savoir. Ainsi, une phrase de forme positive peut exprimer un sens négatif, comme le prouve: J’ignore le sens du verbe «ignorer», phrase qui signifie «Je ne sais pas quel est le sens du verbe ignorer.

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