Maury Tessier

Notes du cours AS/FR 4150 6.0: Initiation au français canadien / Introduction to Canadian French

Notes sur Nicole Maury et Jules Tessier, À l’écoute des francophones d’Amérique: exploitation de documents sonores. Montréal: Centre éducatif et culturel, inc., 1991.

Les documents oraux de Maury et Tessier permettent non seulement d’aborder le lexique du français vernaculaire mais aussi de confronter l’innovation grammaticale, dans les domaines de la morphosyntaxe et la réglementation du discours. Nous remarquerons au fur et à mesure des traits non standards et nous essayerons d’identifier dans chaque document quelques traits de morphosyntaxe ou de discours. Identification faite, on cherchera à fournir un bref commentaire explicatif à chacun.

Liens cliquables:
ÉF1: «Mon ancêtre»
ÉF2: «Vivre à Québec ou à Montréal» 
ÉF3: «Le défilé de la Saint-Jean-Baptiste»
ÉF4: «L’Halloween» 
ÉF5: «Je suis parti, j’avais seize ans»
ÉF6: «L’accession au monde des affaires» 
ÉF7: «Les débuts dans la couture» 
ÉF8: «Une Acadienne à Ottawa» 
ÉF9: «La chasse au castor aujourd’hui» 
ÉF10: «Les fêtes et les repas au Lac-Saint-Jean» 
ÉF11: «Mille pompiers sont venus» 
ÉF12: «Autrefois dans l’Ouest» 
ÉF13: «J’ai avoué que je l’aimais» 
ÉF14: «En visitant une ferme beauceronne» 
ÉF15: «Je travaille jusqu’à tant que je me couche»
ÉF16: «Francophones aux frontières du Québec» 
ÉF17: «En Louisiane»

Lexique: Les lexèmes non standards sont habituellement classés en néologismes (= nouveaux mots), archaïsmes (= mots considérés comme vieux ou vieillis en France) et régionalismes (= termes associés à une région géographique donnée et pas courant dans l’usage général). Pour ce qui est du Canada, on parle habituellement de canadianismes, de néologismes, d’archaïsmes, d’anglicismes, d’américanismes et d’amérindianismes. Exemples de chaque catégorie:
Néologismes: anglophone, francophone, allophone
Archaïsmes: un pouce, un pied, une verge (= unités de mesure)
Régionalismes: soupe aux gourganes, des bleuets, des patates
Canadianismes: banc de neige, autoneige, motoneige, déneigeurs, déneigement, ceinture fléchée
Anglicismes: définitivement «assurément», sûr «sure thing», fonds de pension «pension fund»
Américanismes: supercool, jazz, cruiser les bars, surfer le net
Amérindianismes: ouaouarons, maringouins, pichou, mocassin, Shawinigan, Chibougamau

Morphosyntaxe: Beaucoup de particularités du FQ vernaculaire reflètent un processus de simplification, de normalisation ou de régularisation de formes. En morphologie et en syntaxe, cette simplification peut éliminer des formes exceptionnelles ou irrégulières, p. ex., je vais peut céder à je vas, forme qui s’aligne analogiquement sur tu vas, il va, elle va, on va et ça va. Ces dernières sont fréquentes, surtout celles à la 3e personne, considérées comme canoniques à l’intérieur du paradigme verbal.
En syntaxe, on constate cette même tendance vers la simplification, p. ex., bon nombre de conjonctions se termine en que (parce que, puisque, lorsque, avant que, pendant que, pour que, tant que…), donc les locuteurs ont tendance à aligner d’autres conjonctions sur ce modèle établi: FQ quand que, où que, combien que, comment que, pourquoi que, quoi que, qui que. Une variante phonétique courante du même modèle est la suivante: quand-s-que, où-s-que, combien-s-que, comment-s-que, pourquoi-s-que, qui-s-que, quoi-s-que, etc. D’où vient le [s] intercalaire? Au moins trois hypothèses ont été avancées:

    1. il mimique le [s] de parce que, puisque et lorsque.
    2. Il a été suggérée par l’interrogative est-ce que... dans les formules interrogatives du type qu’est-ce que, quand est-ce que (locutions concurrencées par quoi c’est que.. et quand c’est que…);
    3. Les deux facteurs concourent pour produire les formes attestées.

Réglementation du discours: Dans un discours écrit de type classique, les connecteurs  reconnus (conjonctions et prépositions) sont surtout de type logico-cognitif (les conjonctions exprimant des liens de cause et effet (parce que) ou de comparaison (tandis que), de contradiction (alors que), une localisation dans le temps (avant que ~ pendant que ~ après que).Traditionnellement, tout mot de discours qui ne cadre pas avec cette conception classique de la grammaire est jeté dans le fourre-tout des «Interjections» (termes à valeur exclamative, émotive, ou subjective: Bof!, Dis donc! Woup(s)!, Oh, Oh!, Mince alors!). D’autres sont dévalorisés sous l’étiquette «mots de remplissage», c.-à-d. des éléments relativement vide de sens, servant à boucher des trous, à remplir des espaces, à ne laisser ni vide ni silence, de manière à ne pas perdre l’initiative discursive.
Souvent, ces mots discursifs servent à régler (ou à rythmer) le discours. Ils compensent en quelque sorte l’absence de signes typographiques et de marques de ponctuation à l’oral. En voici quelques exemples:

    • Ouverture du discours: «Bon ben, il est 1H, mes amis» (= annonce polie: Taisez-vous donc, je veux que le cours commence…)
    • Fermeture du discours: «Bref, c’est toute la philosophie de Kierkegaard».
    • Rupture du discours: «Woup(s)! j’ai dû laisser mes notes au bureau!» (surprise ou contretemps)
    • Réorientation du discours: «À propos, as-tu vu Dawson’s Creek hier soir?»
    • Baliser une réserve ou une restriction: «Bois tout ce que tu veux, ma petite, mais viens pas te plaindre demain par exemple!
    • Vérifier la compréhension de son interlocuteur: «J’ai reçu une hausse de salaire, mais elle est nettement insuffisante, tu comprends».
    • Attirer l’attention de son interlocuteur: «Coudon mon gars, si on allait au cinéma à soir?»
    • Garder l’attention de son interlocuteur: tu sais, tu comprends, non?, n’est-ce pas?, pas vrai?, hein?
    • Inviter l’interlocuteur à se raconter: «Pis, t’es marié…»
    • Exprimer ses émotions: «Seigneur qu’il fait beau aujourd’hui!» (tous les sacres et jurons peuvent tomber dans cette catégorie, ainsi que les exclamatives). En langue parlée, la plupart des phrases exclamatives s’ouvrent par un mot de type emphatique.

Voici quelques points de départ pour l’étude la morphosyntaxe et la réglementation du discours:

Ci-dessous, un répertoire de caractéristiques lexicales, morphosyntaxiques et discursives relevées dans À l’écoute des francophones d’Amérique (= ÉF)


ÉF1: «Mon ancêtre», p. 50
3: les seigneuries
6: le rang des Chenaux
6: les colons (m.)
7: terre en bois debout (= non défrichée)
8: l’abattis ~ abatis (m.)
14: quasiment
17: un peu toutes les familles québécoises «presque toutes» (atténuation de l’affirmation totale)

Éléments discursifs
3: euh…, en tout cas (le locuteur se ravise)
7: eh bien
10-11: vous savez …. euh (passim)
33: et puis… Alors


ÉF2: «Vivre à Québec ou à Montréal?», p. 63
4: je m’en viens sérieux «je deviens sérieux» (apocope de la syllabe initiale); à noter que, dans d’autres contextes s’en venir est également l’antonyme de s’en aller)
7: qui habite tout de suite à Montréal «à présent, en ce moment»
11: gros «grand»
12: sur la rue = FS «dans la rue» (cela traduit une différence dans la nature des rues européennes et nord-américaines; influence anglaise?)
15: loin de d’là (devant le déictiques ça et là, la préposition de s’amplifie en de d(e)
15, 23: je suis déménagé, les gens sont déménagés à Québec (analogie des verbes intransitifs exprimant le mouvement, comme p. ex., aller, venir, partir, arriver)
27: au petit dépanneur du coin «petit magasin du coin ouvert à toute heure»; le mot dépanneur est polysémique

Éléments discursifs:
1s: Hé, là, euh, O.K.,
11: je veux dire (annonce une explication)
11: hein? (interrogation)
7: puis ~ pis «et»
9: par exemple (il n’y a pas de vrai exemple, cela marque une pause)
12: c’est quelque chose (manque de moyens descriptifs adéquats)
13: je sais pas (manque de moyens descriptifs adéquats)
14: c’est bien subjectif — c’est moi qui parle (repetitio cum variatione)
16: mais… (marque une restriction)
17: ça, ça a rien à voir (évaluation de la non pertinence du propos)
26: mais enfin même (mise en relief d’une conclusion)
28: la, la, la, le… (le locuteur se donne du temps, cherche ses mots)
29: Ta ta ta ta (économie des moyens expressifs; le locuteur évite de préciser le contenu de l’échange, sans doute dans le même genre que «Bonjour, comment ça va?» qui sert surtout à établir les liens psychologiques ou  communicatifs)


ÉF3: «Le défilé de la Saint-Jean-Baptiste», p. 78

1: mon boudoir (mot considéré comme archaïque en France)
2: la Saint-Jean-Baptiste (la fête nationale des Québécois)
27: (à un) moment donné (canadianisme de fréquence)
38: les boîtes à fleurs
38s: tu as (emploi courant du pronom personnel dans le sens indéfini «on a» ou «il y a»)
40: les pelleteries (f.) «établissements liés au commerce de la fourrure» (cf. garderie, épicerie, sandwicherie)
40: sur le, dans le, sur le fleuve (hésitation quant à l’emploi correct des prépositions sur ~ dans; cf. FQ sur la rue, FS dans la rue)

Éléments discursifs:
1: là (et passim) marque une pause ou un arrêt, mot de discours
2-3: bien, c’était ça, hein?
2, 3: puis… et puis (successivité)
5-6: euh… euh (et passim)
11: euh… enfin (elle en vient à l’essentiel)
12: tu sais… enfin, tu sais, euh, ben, hein (vérification de la compréhension; très fréquent dans ce document)
15: si je me souviens bien (souligne l’incertitude de la locutrice; elle atténue son affirmation)
19-20: «Bien… mon Dieu…»; «Oh bien là… (exclamatives)
23: dans ce temps-là (localisation temporelle)
25-26: on avait des réunions, oui (le oui souligne et affirme: «j’en ai nettement le souvenir»).
26: Il me semble que… (souvenirs vagues, formule qui marque l’imprécision)
29: tu sais, tout ça (économie des mots; la locutrice abrège, termine son propos)
36: euh… euh enfin (elle reconstruit difficilement l’essentiel)


ÉF4: «L’Halloween», p. 94
1: l’Halloween «Fête de la Toussaint»
5: on parle sur la nutrition (la préposition sur se généralise au détriment de certains autres…)
9: tranquillement (doucement, lentement, peu à peu)
10: l’hiver s’en vient (idée que l’hiver s’approche petit à petit)
25: quand qu’il commence à faire noir «quand il commence à faire nuit» (conjonction normalisée sur le modèle dominant: pendant que, tandis que, lorsque, puisque, parce que, etc.)
27: Touik Toua Touik ~ Touik ou Touik ~ Toui Toui Toui = de l’anglais «Trick or Treat»
28: tu ne sais pas trop qu’est-ce que tu dis (l’interrogatif remplace le relatif ce que pour exprimer un complément d’objet direct)
29: tannant-e
30: (à un) moment donné
32: des sous noirs ~ blancs, des cennes noires ~ blanches, un huard ~ un *duard?

Éléments discursifs:
7: bien (marque la pause)
11: Alors, après ça, bien… , alors, puis là…, alors, puis là (très fréquents dans le texte, ces mots
marquent des étapes qui se suivent dans le temps)
29: et puis là, bien, la dame te donne des bonbons (mise en relief, déixis?)
30: un moment donné (mise en relief, arrêt narratif)


ÉF5: «Je suis parti, j’avais seize ans», p. 110
2: un dropout « décrocheur ou décrocheuse»
5: des hippies (m. ou f.)
7: ma prèmière job (les mots empruntés à l’anglais sont majoritairement du féminin s’ils se terminent par une consonne audible, masculins alors qu’ils se terminent par une voyelle audible)
8: bus-boy (m.) plongeur, personne qui dessert les tables, fait la vaisselle, nettoie l’établissement
8: je veux dire ( on annonce une explication, fournit des précisions)
10: tout le kit «tout ça, tout le reste» (formule qui résume le propos; le genre du mot kit est peut-être influencé peut-être par le mot français paquet)
12: aide-camionneur
13: en soixante et onze (soixante et dix, soixante et quinze, etc.); le conjonction et est typique du FQ
13: une grosse grève
13: nous-autres, vous-autres, eux-autres (marquent la pluralité avec plus de clarté que le simple nous, vous et ils/eux; le genre est neutralisé au pluriel, au profit de la forme masculine: les femmes, eux-autres, y veulent pas de ça!)
20: scabs (m.) «jaunes, briseurs de grève» (masculin, sans doute parce que ce sont le plus souvent des hommes)
23: un peu par pushing (en France, on parle de «piston»)
25: l’union, une grosse union internationale (anglicisme de forme et de sens)
26: deux cent cinquante piastres (f.) (archaïsme en France); là où on dit piastres et sous en FQ populaire, on dira dollars et cents au niveau soutenu/soigné
29: j’avais trouvé ça le fun «amusant, agréable, divertissant)
39: c’est très contingenté «l’accès au programme est très limité» ou «le nombre de places disponibles est contingenté»

Éléments discursifs:
1: mais enfin… (il en vient à l’essentiel)
6: toutes ces choses-là (il évite une énumération fastidieuse des stupéfiants)
8: je veux dire (annonce les détails, une explication)
10: tout le kit, là (il abrège; économie de mots)
24: hein (il s’assure de l’attention de son locuteur)
24: en tout cas (pour dire l’essentiel; il résume)
27: très, très, très fermé (mise en relief); et 29 très, très contingenté (répétition = mise en relief ici; dans d’autres contextes, la répétition ajoute du suivi, de la cohésion au discours)
28: à la fin (tout compte fait, toute réflexion faite; se dit également en France)
31: Bien (résume et annonce la conclusion)
33: tout ça là (il abrège; économie de mots)


ÉF 6: «L’accession au monde des affaires», p. 124
4: un surintendant «gérant, surveillant»
7: leurs garçons «leurs fils, leurs enfants mâles» (“their boys” anglicisme caché?)
7: l’école ménagère
9: le cours classique «cours menant aux professions libérales traditionnelles, comme la médecine, le droit, le clergé, le professorat»
11: le cours commercial «cours donnant accès au monde des affaires»
16: (à un) moment donné
13: notaire «officier public qui peut donner un caractère authentique aux actes et contrats»
22: nos caisses populaires (= banque populaire, c.-à-d. du peuple)
22: le petit bas de laine (sens métaphorique: «les petites économies»)
23: assez (marque le degré moyen au niveau soigné, alors qu’il est souvent synonyme de «très» aux niveaux familier et populaire en FQ)
26: emprunter quelques sous (familier pour «emprunter de l’argent», «faire un emprunt»)
26: francophones, anglophones et allophones (néologismes d’origine canadienne)

Éléments discursifs:
1: Bien… bien (il en arrive à l’essentiel)
3-4: je sais pas, moi (il offre des exemples, un peu au hasard)
6: bien (marque la fin des exemples)
7: bien ça, on n’en parlait pas, hein (marque la comparaison avec les garçons)
15: enfin (annonce la conclusion; c’est tout ce qu’il y a à dire là dessus)
20: bien… un éveil un petit peu, si l’on veut, un petit peu…. (mise en relief: les débuts hésitants et difficiles de l’affirmation des Québécois dans le monde des affaires)
21: Prenons juste… (annonce un exemple; anglicisme caché?)
27: Non… (marque le changement profond d’attitude, une nouvelle confiance en soi, grâce au mouvement des Caisses populaires)
30-31: Le locuteur résume et souligne son propos en citant un proverbe (= formule de sagesse) «Avec un bon vent, on est capable… d’arriver à bon port»


ÉF 7: «Les débuts dans la couture», p. 140-141
1: tu as-tu gardé tout (particule interrogative)
1: ton linge «tes vêtements»
17: des bords de pantalons (pl.) «des ourlets de pantalon (sg.)», aussi des bords de robe
20: je botchais ça «je faisais vite et mal
21: une blouse «un chemisier»
23; le collet «le col»
26: j’aimerais ça recoudre «j’aimerais ça, reprendre la couture»
31: ça paraît pas «ça ne se voit pas»
31: le l’envers (ou le lenvers): agglutination du déterminant. D’autres exemples sont le lendemain et le loriot, René Lévesque, Jean Langlois (historiquement < l’endemain, l’oriot, l’évesque, l’anglois). En FQ populaire, on entendra aussi le lévier et la lantenne (= l’évier et l’antenne)
33: te rappelles-tu du manteau (analogie de te souviens-tu du manteau); on le dit en France aussi
52: c’est pas grave «c’est sans importance, ne t’en fais pas»

Éléments discursifs:
4, 21, 27: hein? (interrogation)
8: Bien (ouverture du discours)
10, 14, 19, 20, 50, 54: Ah! (annonce une exclamative)
15, 42, 48: puis (marque des étapes successives de la narration)
16: Eh… (annonce une exclamative)
32: Ça fait que… (annonce une conclusion… qui n’est pas exprimée mais sous-entendue)


ÉF8: «Une acadienne à Ottawa», p. 160
5: les shops à poisson «les usines à poisson, l’industrie du poisson»
7: la plie (canadienne) «sole»
11: je m’en ai été à Moncton «je suis allé à Moncton» (amalgame de j’ai été + je m’en suis allé)
13: je me suis ramassée à Montréal «Je me suis retrouvée à Montréal»
14: Puis là «actuellement, à présent»
17: c’est une belle ville, c’est plus tranquille, c’est plus agréable (repetitio cum variatione)
18: s’ennuyer de son pays d’origine «avoir la nostalgie de son pays, être en mal de son pays d’origine»
20: plaisant «agréable» (archaïsme en France, ou plaisant signifie «amusant, comique»)
23: participer dans des festivals (préposition sans doute influencée par l’anglais participate in)
24: durant l’été (plus fréquent que «pendant l’été»; influence anglaise cachée?)
25; les frolics acadiens «veillées avec musique et danse»
26: des artistes acadiens qui se rejoignent «qui se retrouvent, qui se réunissent»
27: le monde fête pas mal (le monde a souvent le sens collectif «les gens» au Qc)
29: la majorité du temps «la plupart du temps» (imprécision grammaticale)
29: aux alentours du mois d’août (influence de l’anglais «around the month of August»?)
29: la chance «l’occasion» (anglicisme de sens)
30: on pogne du mauvais temps «il arrive parfois du mauvais temps»
31: ça calmit tout le temps (forme du passé simple utilisé en fonction d’imparfait)
34: où ce qu’on est «où on est» (normalisation de la conjonction, ce qui permet d’éviter un hiatus dans ce cas précis)
38: avoir de la misère (niveau fam. ou pop.: «avoir des difficultés ou des problèmes»)

Éléments discursifs:
3: puis euh (conjonction de coordination + pause)
4: là (et passim) pause-virgule orale
8-9: et cetera, il y en a, il y en a d’autres (redondance: la liste reste ouverte)
19, 32: hein? (interrogation)
24: beaucoup, beaucoup, beaucoup (mise en relief)
36-37: garder nos… garder… qu’est-ce qu’on a (trou de vocabulaire: elle cherche son substantif… qu’elle ne trouve pas, qu’elle remplace par une périphrase; à noter le l’interrogatif remplace le simple relatif ce que)
38: disons (atténuation de l’affirmation précédente)
39: je pense (subjectivité: atténuation d’une affirmation perçue comme trop forte)
41: j’ai pas l’impression du moins (elle souligne son point de vue à elle, tout en le renforçant)
44: (ça) fait que… (formule discursive qui permet de résumer son propos)


ÉF9: «La chasse au castor aujourd’hui», p. 180
2: mettre à l’encan, vendre à l’encan «mettre/vendre aux enchères»
4: chacun partait de son bord «individuellement, de ses propres moyens»
8: supposons que… «mettons que» (influence de l’anglais «suppose that…»?)
9: cabanes de castors; dans l’usage populaire, cabane veut dire «domicile, résidence, maison»
10: le quota (terme administratif: «limite ou volume de production déterminés par l’état et que l’on ne peut dépasser»
15: assez dispendieux (archaïsme en France: «relativement coûteux, coûte assez cher»
17: en haut du quarante-neuvième parallèle «au nord du…»
18: ça prend des grosses voitures, des trucks «il faut de grandes voitures, des camions»
19-20: un cent cinquante [piastres] «un billet (?) de 150$» ou plutôt «la somme de 150$»
20: des fois (fam. ou pop.) pour «souvent»
21: mille piastres (archaïque en France)
23: pogner cent cinquante castors «prendre, attraper»
24: à ce moment-là, à ce moment-là «dans de pareilles circonstances»
25, 30: encanner, encanné «mettre en conserve, mis en conserve»; on a aussi des cannages, des canneries, des cannes et des cannettes (une question de productivité lexico-morphologique)
28: un pâwâ «assemblée plénière des Amérindiens»
29: boucané «fumé»; la boucane «la fumée»
28-31: ça (pronom indéfini qui fait référence ici à différents substantifs, tous sous-entendus)
30: le tourne-feu «le tourne-broche»
31: le «makushan» «fête et festin»

Éléments discursifs:
5: comme je disais (rappel qui permet d’éviter la répétition)
7: des structures, des règlements (repetitio cum variatione)
8: supposons que… (introduit un exemple)
10: Bien… «d’un autre côté»
10: Ça veut dire (annonce une explication)
13: le problème… le règlement (le locuteur cherche le mot juste, il soigne son discours)
13-14: par eux-autres mêmes, par leurs propres moyens (mise en relief, repetitio cum variatione)
16-18 et passim: bien c’est par avion; bien les chemins d’accès sont minables (incises qui offrent des précisions)
23: je sais pas moi, euh… cent, cent cinquante castors (exprime une idée très approximative)
27: Bien (ouvre de nouveaux propos)


ÉF10: «Les fêtes et les repas au Lac-Saint-Jean», p. 198
1: ça se voisine beaucoup «les gens se rendent visite souvent» (ça au sens indéfini «on», mais indiquant le pluriel; d’autres exemples: les enfants, ça braille et les profs, ça parle!)
2: un compérage (archaïsme) «un baptême» (archaïque en France)
6: le souper (troisième repas de la journée)
7: la veillée (la soirée avec toutes ses festivités)
10: Ça (ici, pluriel de «on», sans nuance péjorative)
10: je ne sais pas de… (marque l’incertitude relativement au village)
13: Mettons «alors» (elle cherche des précisions)
14: Bien (pause; il se donne le temps de réfléchir)
15-25: le discours est toute une série de phrases courtes, liées ou non par des connecteurs simples)
16: les tourtières du Lac-Saint-Jean
18: l’orignal
19: il rentre du porc «on met du porc»
20: tu (fam. ou pop.) au sens indéfini «on» (formel et soigné); on dépersonnalise, tu fais le contraire
20, 23: des patates (terme qui serait «populaire» ou «campagnard» en France)
21: la six-pâtes et 36 le six-pâtes (écrit aussi cipâte [m.] ou cipaille [m.]; mot qui vient de l’anglais sea-
pie). Les noms empruntés à l’anglais sont majoritairement du masculin s’ils se terminent par une voyelle audible. Vraisemblablement, ce mot hésite selon qu’il est prononcé cipaille (m.) ou cipâte (f.)
22: une rangée de viande et de patates «une couche de viande et de pommes de terre»
23-24, 28, 33: la soupe aux gourganes «fève des marais», cultivé dans la région du Lac-Saint-Jean
29: la pelure [des gourganes] «la cosse» (imprécision)
30: un vaisseau «un récipient, un contenant» (archaïque en France)
30: tu (personnel) au sens de «on» (impersonnel) (plusieurs fois)
32: ton lard salé (influence de l’anglais «your salt pork»?)
36: le festival du bleuet
37: à tous les ans (à ajoute la notion de répétition à l’expression du temps); cf. à tous les jours, à toutes les semaines, à tous les soirs
45: il gagne un prix pareil «quand même, tout de même» (anglais “anyway, all the same”)

Éléments discursifs:
1: comme ça (marque l’aspect habituel de l’activité)
7: tout le, les voisins, les voisins se, se… (hésitations)
28: tu enlèves la… tu enlèves le… (il cherche le mot juste; trou de vocabulaire)
34: disons que (annonce un exemple)
39: naturellement (= c’est une évidence)
44: … mais le prix doit être plus petit, par exemple (marque une restriction ou une réserve)


ÉF11: «Mille pompiers sont venus»
2, 22: O.K? (canadianisme de fréquence)
2: le feu «incendie» (terme technique) ou «feu» (terme général)
3: s’était pogné «s’était pris»
3: dans ma cave «au sous-sol de mon immeuble»
3: passé les lockers à bois «au delà des casiers à rangement». Vraisemblablement il s’agit de casiers en bois, mis à la disposition de locataires»
3: (ça) fait que là… (formule qui résume ou qui marque une nouvelle étape dans la narration)
6: je m’ai réveillé (surgénéralisation de l’auxiliaire avoir, au détriment de être; ce dernier s’emploie en FS avec les verbes de mouvement {ou absence de mouvement} et avec les verbes pronominaux, là où le sujet et l’objet grammatical (= l’actant et le patient) désignent une seule et même personne, p. ex., je me suis rasé [la barbe].)
7: la même place (anglicisme?)
7-8: elle m’a crié (économie d’expression: «elle m’a appelé de loin, à haute voix»)
8: la boucane, elle s’en venait «la fumée commençait à pénétrer»
10: la couverte de MacDonald (sans doute la couverture Old MacDonald, celui qui avait une ferme)
12, 29: éteindu (normalisation du ptc. passé d’après l’analogie de entendu, étendu, répondu, attendu)
13: chez nous, chez vous, chez: préférence généralement accordée aux formes du pluriel, au détriment de «chez soi, chez moi, chez toi, chez lui, chez elle»
16: la boucane a rentré (surgénéralisation du verbe avoir)
19: à cette heure (= asteure) «maintenant, à présent, en ce moment» (cas d’agglutination)
22: carré[s] à vidange «dumpster[s]»
22: excepté «avec cette différence que»
26: la shop avec «l’atelier du concierge aussi»
27: Les pompiers sont-ti venus (-ti ou -tu, particule interrogative qui s’ajoute au verbe auxiliaire)
41: gros «énorme»
44: Mais excepté «à l’exception de»
50: Il y a trois feux qui a pogné (mise en relief; la formule présentative invariable «il y a… qui» gouverne un verbe au singulier)
50: dans un autre bloc «bloc-appartements ~ apartment-block» ou bloc urbain «down the street»
52: où ce qu’il y a «où il y a» (transformation de l’adverbe où en conjonction; parfois orthographié ousque)

Éléments discursifs:
Ce discours se présente sous forme de questions et réponses. Les questions sont courtes, les réponses souvent incomplètes.
2, 22: O.K.? «tu comprends»
3: Ça fait que là (marque une étape de la narration)
12: Bien (enchaînement)
14: hein «tu comprends»
32: Ah? (l’intervieweuse cherche une explication, des précisions)
33: en tout cas, ça «faut le dire» (précède une explication)
35: Oh yo yoille! (exclamation: influence juive?)
35: Je comprends que… (formule emphatique) «Ça se comprend que…»
40: Hein? (exclamation)
41: en tout cas «faut le dire»
46: Bien non (négation forte)
47: Ah! (souligne qu’elle a compris)
49: Mon Dieu! (exclamation forte mais correcte)
53: Pas vrai! (exclamation)


ÉF12: «Autrefois dans l’ouest»
1: montagne de bois «colline boisée»
2: la Saskatchewan (amérindianisme)
3: les anciens «les vieux»
5: Harts-Rouges terme français désignant les «saules rouges» > anglais «Willow Bunch»
8-9: par petits morceaux «en petits morceaux» (variante dialectale)
9-10: pour tabac (variante dialectale: «en guise de tabac, comme du tabac»
8-10: de d’ca, de de là (vraisemblablement, la préposition de est renforcée en de d(e) devant les adverbes déictiques ça et là; certains soutiennent que «de d’ça» est une représentation de la formule «de tout ça», mais c’est loin d’être sûr, parce que «de d’là» n’accepte pas la même interprétation)
10-11: kinik-kinik (amérindianisme: sorte de tabac des Cris)
13: avec une brigade (archaïsme signifiant un groupe, un ensemble, sans nuance militaire)
cf. aussi un régiment d’outardes «a flock of Canada geese»  (aucune nuance militaire)
16: ils étaient pour revenir «ils y allaient dans l’intention de revenir; ils auraient voulu revenir»
18: pas pressés (absence habituelle du ne de la négation dans les niveaux familier et populaire)
21: à tous les soirs (à ajoute la notion de répétition; cf. à tous les jours, à toutes les semaines, etc.). Ici, la préposition introduit un complément de temps, avec l’idée de répétition
24: où que (vars. où ce que, ousque: normalisation de la conjonction)
30: en l’air «en haut»
33: douze pieds de grand «douze pieds de haut» (unité de mesure aujourd’hui en voie de disparition…, avec un pouce «inch», une verge «yard», une mille «mile» etc., le système métrique ayant remplacé le système impérial au Canada)
34: pour être debout «si, en réalité, il était debout»
35: elle a vu que… «elle a compris que» (influence de l’anglais «she saw that, realized that»?)
35: la face «le visage» (archaïsme en France)

Éléments discursifs:
4: c’est-à-dire (annonce une précision)
5: hein «tu comprends»
12: alors «pour cette raison»
18: Alors (marque une nouvelle étape de la narration)
23: là (pause-virgule orale)
26-27: je devrais dire que… (détail presqu’oublié)
31: «Oui, il est malade» (incise qui intervient entre: elle pouvait pas…, elle pouvait pas)
35: alors «à ce moment-là» (résume l’essentiel)


ÉF13: «J’ai avoué que l’aimais», p. 244
2, 3: rouvrir «ouvrir», rentrer «entrer», j’en (re)viens pas (aucune idée de répétition dans le contexte)
5, 6: siffler (après les filles) «whistle at the girls»
6: j’étais pas là: «Allo bébé!» (très fam.) «je n’étais pas du genre à crier «Allo bébé!»
7: à soir «ce soir» (cf. à matin, avant-midi et après-midi)
8: pantoute (amalgame ou agglutination de «pas en toutte»; cf. asteure «à cette heure»)
9: une couple (f.) de mois «quelques mois»; mais cf. le couple (m.) = un homme et une femme
10: je me suis dégêné «j’ai surmonté ma gêne, j’ai vaincu ma timidité naturelle, j’ai pris courage»
11: le lunch (le verbe est luncher et les enfants portent leur boîte à lunch)
11, 13: il y a rien là «c’est sans importance» ou dans d’autres contextes «il n’y a pas de quoi»
13, 15: on jase, on jasait (syns. placoter, causer, bavarder). Le mot jazz vient du verbe jaser (activité qu’on pratiquait beaucoup dans les bordels de la Nouvelle-Orléans)
14: on trippe bien «on se sent à l’aise, on sent même une certaine exaltation»
14: des fois «souvent»
15: (ça) fait que là… (nouvelle étape dans la narration)
18: deux popsicles (marque de commerce: une véritable glace d’eau sucrée, congelée, séparable en deux parties, sur deux bâtonnets)
19: rien que «seulement»
21: cheap (comme trait de personnalité: «chiche, radin, grippe-sous, serre-la cenne»; appliqué à un produit de consommation, cheap signifie «bon marché»)
22: je vas prendre la peine (variante dialectale de je vais, qui est en l’occurrence l’auxiliaire du futur analytique, vis-à-vis du futur synthétique: je prendrai); prononcé [wa] ou [ma] dans le parler populaire
24: tranquillement «lentement, doucement»
27: (à) un moment donné
27, 33, 34: rester ensemble (syn. FQ vivre accotés) «cohabiter sans être marié» (on parle aussi de co-vivants, comme du co-voiturage)
28: chez nous «chez moi» (préférence généralement accordée à la forme plurielle)
29: je me suis en allé (comme enlever, emmener, envoyer, enterrer, embarquer, le verbe s’en aller semble subir une agglutination pour devenir *s’enaller; cf. aussi asteure, pantoute, le lévier et la lantenne)
30: jusqu’à tant que (régionalisme en France) «jusqu’à ce que»
35: on est partis sur le trip «on a eu l’heureuse idée, on a formulé le beau projet»
36: tomber enceinte (cf. tomber malade, tomber enrhumé, tomber en amour, tomber en famille, tomber mort, tous des états conçus comme des types de maladie, physiques ou psychologiques)

Éléments discursifs:
1: En fin de compte (on arrive à l’essentiel)
2-3 et passim: tu sais
3, 8: je veux dire (explication)
5: rien de d’ça (renforcement de la négation)
12: non non (négation forte)
13: envoie… (var. envoie donc) anglicisme caché (?); ici «come on, go on, forget it, it’s not all that important»
14: des fois, bien souvent (il augmente la fréquence)
15-16: des heures, des heures, des heures, des heures (aspect duratif)
20-21: C’est bien psychologique… Ça a l’air… ça… il y en a bien qui diraient… (il cherche à formuler son propos de façon à éviter la critique des autres, d’où les hésitations)
27: un moment donné (marque le point culminant du récit)
27-29: elle est partie de chez elle. Moi j’étais parti de chez nous (deux ruptures, une nouvelle union)
31: «Bah, peu importe, hein, c’est mon affaire…» (exclamation qui affirme sa nouvelle
indépendance; il rejette totalement la réaction de ses parents)
36: Liette est tombée enceinte…, après ça, on a décidé de se marier (moralité déterminée par la biologie; le locuteur ferme son discours sur une note décisive)


ÉF14: «En visitant une ferme beauceronne»
2: je veux m’en aller sur la luzerne et 8: s’en aller là-dessus «se lancer dans la culture de la luzerne»; influence de l’anglais «I want to get into alfalfa»
2: assez grand de… culture «assez de terre pour permettre la culture»
4: du blé d’Inde «du maïs»
6: juste «seulement»
10: avoir du trouble
12: l’avoine versait (= penchait à terre)
15, 18, 25, 36, 46: quand que (conjonction normalisée)
15: le plant, ici «la tige»
15: venter «faire du vent»
19: plus que de la moitié (renforcement de l’adverbe de comparaison: plus de + plus que)
20: des orages électriques «tempêtes avec éclairs et tonnerre»
24: des affaires de même «des choses pareilles, comme ça»
25: instantané «tout de suite, instantanément»
27-28: à la grandeur [des champs] «partout» ou bien «à la hauteur de la tige, totalement» (?)
34: ça paraît pas «ça se voit pas»
35: quasiment «presque» (archaïque en France)
36: qu’est-ce que c’est qui arrive «ce qui arrive» (l’interrogatif remplace le relatif)
37: rendu vers onze heures «vers onze heures» (rendre souligne l’arrivée à destination, dans le temps ou l’espace)
37: l’avant-midi (analogie de l’après-midi)
39: ce morceau-là «ce coin-là»
41: que l’avoine vienne mûre « que l’avoine devienne mûre» (apocope de la syllabe initiale)
45-46: on a ben de la misère
46: quand que (normalisation de la conjonction)

Éléments discursifs:
Dans ce document, les questions sont courtes, mais les réponses du cultivateur sont longues et détaillées
22: Ah, chez nous, on n’a pas, on n’a pas ça (l’intervieweuse marque son incompréhension du terme «orage électrique), ce qui sollicite l’explication qui suit)
43: Ah bon? (elle veut en savoir plus long)


ÉF15: «Je travaille jusqu’`a tant que je me couche»
(beaucoup d’acadianismes dans ce texte)
1, 26: à cette heure «à présent»
2: des petits stores (anglicisme; à remarquer aussi l’emploi usuel de des devant l’adjectif, là où le français normatif voudrait de)
2: des places (anglicisme?)
2-3: on se joignait tous ensemble «on se retrouvait, on se rassemblait»
3: on contait des jokes (f.) «on racontait des blagues»
3: toutes sortes d’affaires de même «toutes sortes de choses comme ça»
5: je starte à travailler (et plusieurs autres emprunts à l’anglais, directs et déguisés, signes de la pénétration de l’anglais dans le français acadien, signe aussi du bilinguisme imparfait des locuteurs)
5: j’ai eu fini (exemple du passé surcomposé, courant avec le verbe finir et marquant la complétion d’un acte, soulignant la finalité). Existe aussi dans le français parlé en France.
6: mon souper (troisième repas de la journée)
6: je m’en vas chez nous (normalisation du sg. en [va] {cf. tu vas, il/elle va»; chez nous «au foyer», préféré à chez moi)
6: mon lavage «ma lessive»
7: mes hardes «mes vêtements», serrer les hardes «ranger les vêtements» (FQ mon linge)
8: jusqu’à tant que «jusqu’à ce que» (archaïque en France)
9: les poutines râpées, des râpées (mets acadiens, rien à voir ave la poutine québécoise)
9, 11: ils appelont (trait morphologique du français acadien; la 3e personne du pluriel est marquée à l’oral, comme la 1re {-ons} et la 2e {-ez}). Ils = «on» (influence de l’anglais?)
9-10: si vous savez quoi c’est qui est ça «si vous savez ce que c’est, ça» (formule à décomposer en si vous savez/quoi c’est/qui est ça; qui est ça serait une forme hypercorrigée permettant d’éviter la contraction en *qu’est ça); la formule si vous savez quoi c’est que c’est que ça serait peut-être trop lourde
10: des patates
10-13: tu =«on»
11: épurer [les patates] «les égoutter»
13-14: une grosse job «énormément de travail»
14: plumer les patates «peler, éplucher les pommes de terre»
15: les fayots «les haricots» (FQ les fèves)
20: de la viande de cochon «du porc»
21: le fourneau «le four»
23, 24: rien que «juste»
23: de même «de cette façon» (c’est-à-dire, par la pratique)
27-28: conter une grande histoire «raconter une longue histoire»
29: eux parlont (eux, la forme forte et accentuée du pronom remplace ils, la forme faible et inaccentuée)
29: nous-autres (préférence accordée à la forme forte, qui correspond à nous, forme faible)
31: pas pareil comme eux «pas exactement comme eux» (ang. not the same as them)
31: eux nous comprenont (-ont est la marque générlisée de la 3e personne du pluriel en FA)
32: ils disont (pourrait se dire aussi «eux disont»)

Éléments discursifs:
Dans ce document, on note surtout la structure de petites phrases rythmées. Il est évident que la locutrice aime bien se raconter. Quand elle se met à parler de l’anglais, elle saupoudre ses propos de mots anglais, comme si elle était fière d’être bilingue, comme si elle voulait prouver en quelque sorte sa compétence bilingue.
23: Ah oui! Ah oui! (exclamation forte)
31: Bien (annonce une contradiction apparente)
32: je ne sais pas comment ça se fait (imprécision de langage? «je ne comprends pas ça»). Elle doute peut-être de la sincérité des Québécois


ÉF16: «Francophones aux frontières du Québec»
(beaucoup d’anglicismes dans ces deux textes)
1: joindre les marins (anglicisme caché «join the Marines»)
4: on a été [de] l’autre bord du chemin «on est allé dans un autre sens, on a complètement changé d’idée»
7: à mois de décembre (maîtrise imparfaite des formes contractées)
8: chez nous «au foyer»
8: j’ai continué l’école «j’ai poursuivi mes études»
10: j’étais… paré «j’étais prêt à, sur le point de»
11: j’ai tombé en amour avec une fille (généralisation du verbe avoir aux verbes intransitifs)
13: bâdré «troublé, dérangé» (anglicisme: to bother)
13: très beaucoup (anglicisme: very much)
13: jour par jour ça vient mieux «avec le passage du temps, ça devient mieux, ça s’améliore»
14: maganer «maltraiter (sur le plan physique ou psychologique)»
15: tocson «obstiné, entêté, toqué, fou»
16, 18: je vas (normalisation du sg. sous la forme [va])
18: avoir mon degré «obtenir mon diplôme» (anglicisme caché: «have/get my degree»)
18: finir pareil «tout de même, malgré mon âge»

1: il faut que je faise (forme dialectale du subjonctif)
3: je fais sûr [que] les livres sont… «Je m’assure que les comptes sont [justes]» (I make sure the books are in order)
4: je figure «je calcule, j’évalue»
4: ils = «on»
5: je vas en avant «I go out front» (normalisation des formes du sg. sur le modèle [va]
6: je travaille… le comptoir «I work the counter»
7: des hamburgs (emprunt direct)
7: des patates frites; en France on dit «des frites»; dans un resto, une portion de frites peut s’appeller «une frites»
7: des liqueurs «boissons gazeuses»
7: juste «ça c’est tout ce qu’on vend»
13: l’homme que je travaille pour (anglicisme caché)
14: elle a tombé en famille (généralisation du verbe avoir) «elle est devenue enceinte»
16: son chum «son petit ami, son copain, son partenaire»
16: mais qu’ils se marissent «aussitôt qu’ils seront mariés» (forme dialectale du subjonctif, marquée par la consonne finale audible)
17: où que (normalisation de la conjonction)
18: travailler en arrière comme secrétaire «work out back as bookkeeper»
18: jusqu’à tant que «jusqu’à ce que»
19: travailler en avant «work out front»

Éléments discursifs:
Puisque ces deux locuteurs ont une maîtrise assez approximative du français, on comprend qu’il y a beaucoup d’hésitations, de trous de vocabulaire et des anglicismes de toutes sortes. Pour toutes ces raisons, on ne prendra pas ces documents comme typiques du français parlé en milieu nord-américain. Par contre, ils montrent bien ce qui se passe chez bien des bilingues hors Québec, surtout là où l’anglais domine.
12: comme ça (forme d’exclamation en finale de phrase)
6: bien, j’ai fini (marque la finalité)


ÉF17: «En Louisiane»
1: tournez à la gauche… gardez à la droite (anglicismes cachés)
2: la lumière
2: vous drive (non intégration morphologique du verbe anglais)
2: au ras de l’Église «tout près de l’Eglise»
3: c’est là où est la statue (anglicisme caché)
4: revenez back (redondance, influence de l’anglais «come back»)
5: avant vous traversez (influence de l’anglais «before you cross»)
8: c’est ça ils disont (absence du relatif que; 3pl. marqué morphologiquement à l’oral)
12: j’ai borné… ma famille (trou de vocabulaire; extension analogique de l’auxiliaire avoir)
15: j’ai venu… pour retire (extension d’avoir; non intégration du verbe anglais retire)
15-16 je suis toujours après travailler (= en train de; aspect duratif)

2: le monde «tout le monde»
1, 4: east, west
4: proche plus (anglicisme caché: «almost more [Americans]»
6: l’huile «le pétrole»
6: ils ont venu
7: tout mêlé «mixte»
8: montrer à les enfants (décumul de la forme synthétique aux)
9: sur la terre d’école (anglais: on the school grounds)
10: ça voulait «les enseignants insistaient» (ça = ils, sans nuance péjorative)
11: c’étaient dur pour apprendre l’école (anglais: it was hard to learn in school)
11: juste «seulement» (influence de l’anglais «just French»)
12 être chanceux «avoir de la chance»
12: ça parlait (ça = ils, sans nuance péjorative)
16: parler en anglais…, en français (anglais: speak in English…, in French)

Éléments discursifs:
Beaucoup d’hésitations, des bouts de phrase simple entrecoupés de pauses, des trous de vocabulaire, remplis par des emprunts directs et cachés. On a l’impression que l’anglais domine chez ces bilingues. à part les mots oui, non, et, euh et les pauses, on ne remarque pas une grande originalité de connecteurs discursifs, du moins pas dans ces brefs extraits.
12: «Ça fait [que]…» (le locuteur résume ses propos)

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