Jan18

Cours AS/FR 2100 6.0: Initiation à la description linguistique du français / Introduction to the Linguistic Study of French

Chapitre 11: Le genre et le nombre

    • Lisez le chapitre en entier et répondez aux questions 1,2,4,7,8,9
    • Je vais travailler à partir des notes que voici. Toute question ou rectification sera la bienvenue.

Verset 1:

Ne pas confondre le sexe et le genre. Le sexe est un concept biologique, biochimique et physiologique qui s’applique au membres d’une espèce (animée). Par contre, le genre est une catégorie grammaticale, dont le rôle est d’assurer la cohérence du groupe nominal, p. ex. un petit garçon intelligent (toutes les composantes sont non marquées à l’écrit et à l’oral (= morphèmes zéros). Tandis que dans une petite fille intelligente, toutes les composantes sont marquées par la lettre -e (à l’écrit) et par une consonne (ou semi-consonne) terminale claire et audible.

Verset 2: Le rôle du genre est de gouverner (déclencher) l’accord des éléments qui dépendent du substantif, c.-à-d. les déterminants et les adjectifs. En général, le genre n’est pas toujours marqué dans le substantif, mais il l’est par contre dans le déterminant (le/la, mon/ma) et parfois seulement dans l’adjectif à l’oral (petit/petite, vert/verte, bon/bonne)… à contraster avec mauve/mauverouge/rouge, orange/orange, où il n’y a aucune différence à l’oral. Rappelez-vous qu’il y a plein de -e qui marquent le genre féminin à l’écrit, mais qui ne se prononcent jamais.

Dans un petit nombre de cas, les contrastes de genre sont marqués par une différence de lexème, ou par un suffixe qui marque le f.: un coq/une poule, un taureau/une vache, un acteur/une actrice un canard/une cane, un cheval/une jument, un frère/une soeur, un oncle/une tante, un bélier/une brebis, un maître/une maîtresse. Dans tous les cas précités, il y a correspondance exacte entre le sexe biologique et le genre grammatical.

Dans d’autres cas, dans la pratique de la langue, on utilise l’un des genres au détriment de l’autre: un chat, une vache, un chien, un hibou, un escargot, un crapaud, une grenouille, une chouette, une girafe.

Pour les titres, l’usage traditionnel veut imposer le masculin: un architecte, un dentiste, un écrivain, un juge, un magistrat, un docteur, un médecin, un professeur, un PDG (président-directeur-général), p. ex. Madame le juge.

Par contre, l’usage moderne veut féminiser les titres en ajoutant des -e, même si cela ne change rien à la prononciation: une auteure, une écrivaine, une juge, une magistrate, une docteure, une professeure, une PDG, mais jamais *une médecine. Savez-vous pourquoi?

Ce modèle différentiel est déjà présent en français: un/une artiste, un/une professeur(e), un/une camarade, un/une écrivain(e), un/une enfant, un/une soprano.

Pour les titres anglais, on préfère la neutralisation: a doctor, an actor, a poet, a writer, a wimp, plutôt que doctoress, actress, poetess, woman-writer, wimpette.

En français, les titres au féminin ont tendance à subir des glissements de sens généralement défavorables pour la femme. Le processus s’appelle la péjoration. Comparez, p. ex., un maître/une maîtresse, un professionnel/une professionnelle, un entraîneur/une entraîneuse, un gars/une garce, un salaud/une salope, un danseur/une danseuse, un masseur/une masseuse. Est-ce pour cette raison qu’on préfère la solution de type: une juge, une avocate, une auteure, une professeure?

En général, le suffixe -trice est plus «élégant» que -euse. Comparez, p. ex., actrice avec acteure, cantatrice avec chanteuse, lectrice avec lecteure ou *lecteuse. L’usage traditionnel veut une chercheuse là où les modernistes préfèrent une chercheure.

Au chapitre de la féminisation des titres, le Québec est généralement plus avancé que la France, à tel point que la France vient chercher des terminologues formés au Québec.

Verset 3:

Parfois une différence de genre joue un rôle distinctif, différenciateur. Les exemples en 3 sont là pour le prouver. À cette liste, on pourrait ajouter le voile «veil»/ la voile «sail». En connaissez-vous d’autres?

Verset 4:

À part les cas de correspondance exacte entre le genre et le sexe, on peut affirmer que le genre en français est absolument arbitraire. On ne peut pas lui assigner de raison d’être de type logique. Certains prétendent que le soleil est plus fort que la lune, voilà pourquoi le soleil est du masculin et la lune est du féminin. Il est facile de prouver la fausseté de cette affirmation. En anglais sun et moon n’ont pas de genre du tout; pourtant l’un est plus fort que l’autre. En allemand Die Sonne est du féminin et Der Mond du masculin. Pourtant, ces entités ont la même force physique indépendamment des trois langues citées.

Verset 5:

Le genre est invariable en français. On a du mal à trouver des exceptions à la règle. Pourtant, il y a parfois des divergences: l’amour au m. sg. a le sens habituel qu’on lui connaît, mais au f. pl. il peut signifier autre chose: nos folles amours «nos amours illicites/adultères». De même un orgue de salon, de théâtre (m. sg.), mais les grandes orgues de la cathédrale Notre Dame (f. pl.).

Verset 6:

La variation régionale existe, pourtant. Contrastez la France avec le Québec: la partie/le party, la vidéo/le vidéo, la radio/le radio, le job/la job, un sandwich/une sandwich, une Cadillac/un Cadillac. En général, on le québécois traite les mots qui se terminent par une consonne audible comme des féminins (une job, une sandwich), ceux qui se terminent par une voyelle audible comme des masculins (skidoo, radio). Pourtant, il y a des exceptions: Le bogue de l’an 2000, là où on s’attendrait à *la bogue (f.). Messieurs-dames, il n’y a pas de 100% en linguistique.

Verset 7:

Les marques écrites du genre. Vous connaissez bien le fameux -e terminal, parfois avec redoublement de la consonne précédente: unE chatTE, unE grosSE baronNE, parfois avec d’autres modifications, comme un suffixe qui marque le féminin: un ogre/unE ogrESSE, un facteur/unE factRICE, un menteur/unE mentEUSE.

Verset 8:

Ce qui nous intéresse ici, ce sont les marques ORALES du féminin, le masculin n’étant pas toujours marqué. Beau tableau ici qui précise les marques orales du masculin et du féminin. Le fait reste que la grande tendance historique du français – et pour le substantif et pour l’adjectif – c’est la tendance à l’invariabilité du nom. Ce qui fait que, aujourd’hui, le genre s’exprime surtout par le déterminant, qui est obligatoire pour chaque substantif: un/une, le/la, mon/ma, ton/ta, son/sa, ce(t)/cette. Seule exception à la règle, les noms propres qui portent en eux un indice du genre (Marie-France/Jean-Paul). Le genre n’est pas marqué dans le déterminant pluriel: les, ces, nos, vos leurs.

Versets 9 et 10: Nombre.

Le français différencie le sg. du pl. D’autres langues ont d’autres catégories, comme le duel (désignant la paire ou le couple) ou le triel (désignant un groupe de trois). Au Moyen-Âge, le français avait un pluriel de l’indéfini, qui permettait de désigner les paires et les séries de choses apparentées, p. ex., unes dents, unes joues, uns yeux, unes oreilles, uns pantalons, uns ciseaux. Cette catégorie est disparue quand on a cessé de prononcer le -s terminal. Aujourd’hui, on est obligé de préciser le nombre au moyen d’un adjectif numéral: trois yeux, 24 heures.

Verset 11:

  Toutes les langues ne dénombrent pas de la même façon. En français, on a un déterminant spécial, le partitif, pour les substantifs qu’on ne peut pas compter: du pain, du vin, du beurre, de la joie, de la farine. Si on dit, p. ex., des pains, des vins, des beurres, des joies, des farines c’est qu’on veut souligner différents types ou marques déposées de pain, de vin etc. On veut les compter.
Normalement, les substantifs non comptables n’ont que le déterminant au sg. du/de la. Les substantifs qu’on peut compter en français prennent les marques du pluriel. Comparez le Fr. les informations, les fruits, les poissons avec l’Ang. information, fruit, fish qu’on traite plutôt comme ayant un sens collectif mais une forme de singulier.

Verset 12:

Les substantifs sans pluriel. Normalement, les substantifs abstraits (catégories abstraites, noms des sciences, points cardinaux) paraissent au singulier seulement: le nord/sud/est/ouest, la vérité, la paix, la phonétique, la cardiologie, la linguistique, l’odorat, l’ouïe, la vue. Exception à la règle générale: les mathématiques.

Verset 13:

Les substantifs sans singulier, comme p. ex. les gens, les parages, les alentours, les confins, les environs, les funérailles, les moeurs, les obsèques, les ténèbres, les vacances, les noces. Ces noms n’acceptent pas l’adjectif numéral: *plusieurs moeurs, *trois gens, *plusieurs gens, *de nombreux parages. De même, on n’entendra pas *un gen, *un moeur, *une obsèque. Par contre, on dira: bien des gens plutôt que beaucoup de gens.

Verset 14:

Parfois la différence sg./ pl. signale une différence de signification. Quelle est la différence entre: le ciseau/les ciseaux, la pâte/les pâtes, une nouille/des nouilles, la parole/les paroles?

Verset 15:

Les marques écrites du nombre, surtout -s et -x. Vous les connaissez bien, elles sont partout sur les pages imprimées. Si le sg. du nom ou de l’adjectif se termine déjà en -s, -z ou -x, le pluriel lui est identique: gros, gris, débris, joyeux, vieux, nez, rez.

Verset 16:

Les marques orales du nombre résident surtout dans les déterminants (tableau 1), à un moindre degré dans les adjectifs qui font liaison tableau 2, un gros-homme, de petits-enfants), encore plus rarement dans le substantif (tableau 3, le cas typique étant celui des noms et adjectifs en -al/-aux). Pourtant, les enfants ont tendance à supprimer cette variation: un cheval/*des chevals, un oeil/ *deux noeils, ou au contraire *un chevau/des chevaux, un zyeux/ deux yeux.

Verset 17:

La différence sg./pl. est assez bien marquée dans le verbe à l’écrit p. ex. par les flexions sg. -e, -es, -e vs. pl. -ons, -ez, -ent. Cependant, la plupart de ces terminaisons ne se prononcent pas, elles sont inaudibles. À l’oral, la forme verbale en -ons est plutôt rare: on entend plutôt nous on danse à la place de nous dansons. Et encore à l’oral, la forme verbale en -ez est fortement concurrencéc par la 2e personne du singulier. On entendra plutôt tu sais que vous savez, ce dernier relevant du niveau formel ou marquant une volonté de souligner l’idée plurielle.

Verset 18:

Le fait que le pluriel n’est pas toujours clairement marqué par la forme du verbe proprement dite fait que les marques du nombre sont portées surtout par le pronom personnel conjoint, qui est obligatoire. Je et tu (singuliers) s’opposent clairement à nous et vous et, si la distinction n’est pas bien sentie, on répétera le pronom, sous sa forme forte: Moi je pense, toi tu penses, nous nous pensons, vous vous pensez. En québécois, on entend plutôt nous-autres on pense, vous-autres vous pensez et eux-autres ils pensent.
La distinction sg./pl. est complètement neutralisée dans le cas des pronoms indéfinis on et ça (personne indéfinie à sens plutôt péjoratif) qui ont la forme du singulier mais parfoix le sens du pluriel: ON est content? (sg. ou pl.?) ÇA fait du bruit les enfants.
Cette stratégie est utile à la troisième personne, parce que les pronoms il et ils, elle et elles se prononcent rigoureusement de la même façon devant consonne. Voici la solution du problème: On évite toute ambiguïté possible en renforçant le pronom sujet: Lui il pense vs. Eux ils pensent.

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