FauquenoySaint-Jacques

Notes du cours AS/FR 3130 6.0 Sémantique et lexicologie du français / French Semantics and Lexicology
Notes sur Marguerite Fauquenoy Saint-Jacques:, «Structures populaire du québécois: simplicié et redondance, dérivation et emprunt» (212-220)

L’auteure commence par décrire la nature des «fautes» contre «le bon usage», fautes qui révèlent la nature ou la directionalité du changement linguistique. Les «fautes» d’aujourd’hui vont peut-être fournir la norme de demain; à long terme, c’est l’usage qui fait la règle. Dans son entrée en matière, elle profite surtout des recherches d’Henri Frei et Pierre Guiraud.

Les «fautes» qui caractérisent la langue parlée populaire sont guidées par deux principes: recherche d’une plus grand économie des moyens de communication (= simplification) et poursuite d’une plus grande expressivité (= «complexification» ou redondance).

Dans la pratique, ces deux tendances se contrôlent et s’équilibrent mutuellement. Si on poussait la simplification jusqu’au bout, on finirait par se fermer la bouche et ne rien dire. Si, par contre, on se laissait séduire par la redondance, on ne se la fermerait jamais!

La loi de l’économie (ou celle du moindre effort) correspond aux besoins d’assimilation, d’invariabilité et de brièveté, alors que la loi de la redondance entraîne la dissimilation, l’amplification, la réduplication de marques, la répétition (avec ou sans variation) et toutes les formes de mise en relief.

Vu sous un autre angle, le français parlé populaire et le FQ populaire reflètent les conséquences incontournables des tendances naturelles et simplificatrices de l’évolution linguistique. Le jeu de l’analogie est très fort en FQ populaire, p. ex., il va, tu vas, donc je vas [va]; ils lisent donc ils risent, ils scisent, ils jousent; il est un homme, donc tu es-t-un homme et je suis-t-un homme (= chus-t-un homme).

Par contre, le français standard de type écrit et/ou soigné représente les forces normatives de la société française, les règles conservatrices et tyranniques d’une tradition grammaticale qui cherche à tout prix à se défendre.

Ensuite, l’auteure illustre la loi de l’économie (= simplification) à trois niveaux différents: la phonétique, la morphosyntaxe et le lexique. Elle répète l’exercice relativement à la loi de la redondance (complexification motivée par le besoin accroître la clarté communicative). Dans cette deuxième catégorie, elle cite des cas d’amplification phonétique (épenthèse du shwa), de renforcement sémantique, et toutes sortes d’amplifications à caractère syntaxique.

Elle passe alors à des questions de productivité dans la suffixation; plusieurs suffixes semble avoir une plus grande vitalité en FQ qu’en FS. L’extension de l’emploi d’un suffixe serait une forme de simplification ou de généralisation analogique. Sont traités à tour de rôle les suffixes ou désinences qui illustre son hypothèse: -er (indice que seule la 1re conjugaison est bien vivante), -age, -erie (suffixes nominaux indiquant, respectivement, un processus, une situation abstraite ou concrète, ou bien un établissement de type commercial).

Dans le domaine adjectival, l’auteure cite les suffixes -eux et -euse (historiquement identiques à -eur, -euse) mais ayant pris une nuance spéciale au Canada, là où -eux est légèrement péjoratif (violonneux, quêteux, branleux, robineux, chichiteux) alors que -euse, comme en France, sert à nommer des appareils (laveuse, lessiveuse, sécheuse, trançonneuse, visionneuse) et des personnes (chanteuse, chercheuse, menteuse, danseuse).

Le suffixe -eur voit grossir ses effectifs grâce à l’ajout de termes d’origine anglaise: toaster, mixeur, blendeur (appareils de cuisine), ce qui contribue sans doute à la préférence largement accordée à -eux pour désigner des personnes. En FQ populaire, le suffixe adjectival -able concurrence -ible (lisable ~ lisible, corrigeable ~ corrigible, voyable ~ visible), mais dans bien d’autres cas, -able l’emporte parce qu’il n’existe pas d’adjectif reconnu en -ible (mixable, allable, marchable, sortable, partable), ou bien parce que celui qui existe est de type demi-savant (comprenable ~ compréhensible, pas disable ~ indicible). Parfois, le FS profite de la redondance suffixale pour établir une différence de sens, p. ex., une performance passable vs. vous êtes passible d’une amende.

Quant au genre des noms, il y a lieu de distinguer les noms à suffixe des noms sans suffixe. Pour ces premiers, le genre est fixe et prévisible. Sont normalement du masculin -on, -ier, -er (dans bumper, wiper, trailer) -eux, -eur, -age. Sont généralement du féminin les noms en -oune (-onne), -ière, -erie, -euse, -eure, -té, -tie (-cie), -tion (-sion) et les mots en -ée indiquant le contenu ou la durée (soirée, année, bouchée, pelletée, etc.), mais non les mots d’origine grecque comme lycée, musée, périgée, apogée.

Pour ce qui est des noms sans suffixe, il y une très forte tendance à interpréter ceux qui se termine par une voyelle audible comme des masculins (skidoo, seadoo, sundae, rédio, party, spray), ceux qui se termine par une consonne audible comme des féminins (job, joke, draffe, dompe, souampe, clutch). Cela étant, il n’est pas étonnant de constater que les mots hôpital, hiver, orage, ouvrage sont du genre féminin en FQ (comme d’ailleurs cage, rage, plage et image en FS.

Sous la force de l’attraction synonymique, d’autres substantifs échappent à la tendance générale, p. ex., un boss (= un patron), le make-up (= le maquillage), le tan (le hâle, le bronzage), le net (= le filet), la gang (= la bande), les brékes (= les freins m.), le windshield (= le pare-brise), le steering (= le volant).

Pour conclure, les «fautes» ont toujours leur raison d’être. C’est surtout dans les langues parlées vernaculaires qu’il faut chercher les mécanismes du changement linguistique. Ce qui se dit dans l’usage «privé» passe à la longue dans l’usage «public» qu’on fait de la langue. Évidemment, toute innovation est filtrée et guidée en quelque sorte par l’usage des «gens bien». Ces personnages, qui ont le monopole du pouvoir social font et refont les normes d’usage «public».

Quant à la langue écrite, elle est essentiellement figée, conventionnelle et morte; consignée dans des pages réelles ou virtuelles, elle est inerte et incapable d’évoluer. Pour s’en convaincre, il s’agit de lire une pièce de Racine ou un poème de Chaucer. Si vous n’êtes toujours pas convaincu, essayer une page de latin ou grec ancien, langues qui sont mortes de la sclérose puriste.

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